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son côté le corps législatif a toujours réservé la question. Il trouvera, on doit l’espérer, dans les circonstances actuelles une occasion solennelle de la résoudre selon le vœu des populations en s’inspirant des grands principes d’équité déposés dans nos lois d’expropriation. Il y a longtemps que l’imposante voix de Montesquieu a fait entendre ces belles paroles : « Lorsque le public a besoin du fonds d’un particulier, il ne faut jamais agir par la rigueur de la loi politique; mais c’est là que doit triompher la loi civile, qui, avec des yeux de mère, regarde chaque particulier comme toute la cité même. Si le magistrat politique veut faire quelque édifice, quelque nouveau chemin, il faut qu’il indemnise; le public est à cet égard comme un particulier qui traite avec un particulier. » Un fait prédomine ici qui frappera le corps législatif, c’est que du jour où la servitude militaire, qui serait encore aggravée par le service de l’octroi, a frappé ces terrains, ils ont perdu à peu près toute valeur et toute utilité dans la main des propriétaires.

A l’intérieur de l’enceinte, l’annexion soulève des réclamations non moins vives. L’industrie et le commerce se disent frappés à mort, et pour les communes suburbaines l’industrie et le commerce, c’est la vie et la fortune de plus de 300,000 habitans. Les réunions de communes ne peuvent, il est vrai, devenir la source d’indemnités pécuniaires du genre de celles qu’entraîne l’expropriation ou le sacrifice absolu de la propriété; mais avec quelles garanties, avec quelle circonspection doivent-elles s’accomplir! La sagesse de nos lois a voulu qu’en pareil cas les populations intéressées fussent consultées de la façon la plus large, et à tous les degrés, par les enquêtes, par les conseils municipaux, par les conseils d’arrondissement, par les conseils-généraux. Les populations sollicitent-elles la réunion, le froissement de quelques intérêts n’est point un obstacle à la mesure; mais lorsque l’autorité supérieure propose elle-même la réunion, lorsque les populations la repoussent comme un mal pour elles, la question devient plus difficile à résoudre : c’est alors à l’autorité supérieure de faire prévaloir la mesure sur le mécontentement ou les réclamations qu’elle excite devant le souverain juge du débat, c’est-à-dire devant le pouvoir législatif lui-même. Telle est l’économie de la loi du 18 juillet 1837 sur la réunion des communes, et lorsque cette loi prescrivait de consulter les assemblées délibérantes depuis la commune jusqu’au département, elle parlait, cela se comprend, des assemblées électives. Aujourd’hui le conseil municipal de Paris, les conseils municipaux et le conseil-général de la Seine sont à la nomination directe du pouvoir exécutif, de telle sorte que la lettre seule de la loi pouvait être appliquée dans les circonstances actuelles. Fallait-il s’arrêter à cette question de forme? L’administration ne l’a pas pensé, et nul péril, d’après