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100 dans la banlieue extérieure. » M. Le ministre de l’intérieur signalait lui-même dans son rapport que de 1841 à 1856 la population suburbaine s’était élevée de 114,315 à 351,596 habitans, et dans ces dernières années la progression a suivi une marche beaucoup plus rapide encore. Dans la plupart des communes suburbaines, à la Villette, à Belle ville, les terres et les jardins ont fait place aux ateliers; le terrain qui se vendait à l’arpent ne se vend plus qu’au mètre; la Villette compte dix-sept groupes d’industrie, et son conseil municipal assure qu’il n’est pas une maison, pas un terrain dans cette commune qui ne soient affectés à un service industriel. En effet, sur tous les points de ces communes se sont élevés de vastes ateliers, d’immenses manufactures, et les mille feux de ces usines remplissent déjà les airs de cette fumée qui a assombri Londres et ses monumens. Chaque jour, des intérêts nouveaux se créent, les établissemens se multiplient, la population s’accroît avec une effrayante rapidité. « Elle était en 1856 de 351,000 habitans, dit M. Le ministre de l’intérieur; elle sera d’un million dans dix ans. »

Que se passe-t-il donc qui ait pu attirer sur Paris une telle affluence, un tel mouvement industriel? Dans cette transformation des communes suburbaines, il y a, ce nous semble, plusieurs causes à distinguer : il faut d’abord compter dans l’accroissement de la population les nombreux ouvriers que les immenses travaux de la ville de Paris ont attirés autour de ses murs. Il résulte en effet du compte général de l’administration des finances que sur un total de 2,379,000,000 de paiemens faits par le trésor public en 1855, le département de la Seine a absorbé à lui seul 877 millions. Ce n’est là, il faut l’espérer, qu’une cause passagère d’accroissement pour la population; les travaux de la ville s’épuiseront un jour peut-être. Il n’en est point ainsi de l’immense concentration de marchandises et de produits que l’organisation actuelle des chemins de fer a établie aux abords de Paris. Les grandes lignes qui convergent de toutes parts de la circonférence au centre tendent à transformer toutes les habitudes commerciales en France; aujourd’hui Paris est plus près de Londres et d’Alger que Le Havre et Marseille; il est devenu le grand destinataire de tous les produits français et étrangers, qu’il retient pour les vendre ou les transformer par la fabrication. Paris n’est plus seulement la ville du luxe et des plaisirs; environné d’usines et de manufactures, il constitue un centre industriel des plus considérables. Oui, si cet état de choses continue, la population suburbaine atteindra rapidement le chiffre d’un million; mais alors nos grandes villes, qui déjà ne sont plus guère que des lieux de transit, Rouen, Lyon, Lille, Marseille, que seront-elles devenues? Auront-elles toujours la faveur de ces spécialités industrielles qui