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mandé si ce chiffre n’était pas excessif et en dehors des besoins du commerce et de l’industrie. Nous ne saurions le dire; mais il faut remarquer qu’en général la fabrication parisienne ne ressemble guère à celle des autres contrées : les travaux y sont assez divisés pour que les besoins les plus instantanés puissent être satisfaits, et ils le sont quelquefois dans les industries de luxe avec une rapidité qui tient du prodige. « Pour qu’un homme vive délicieusement, disait à ce sujet Montesquieu, il faut que cent autres travaillent sans relâche. Une femme s’est mis dans la tête qu’elle devait paraître à une assemblée avec une certaine parure ; il faut que dès ce moment cinquante artisans ne dorment plus, et n’aient plus le loisir de boire et de manger; elle commande, et elle est obéie plus promptement que ne le serait notre monarque, parce que l’intérêt est le plus grand monarque de la terre. » Il est naturel de penser que la population ouvrière a suivi le mouvement de la population générale; mais ce mouvement, quelle en a été la marche dans Paris? Il faut à cet égard interroger les statistiques, et pour les avoir exactes il est prudent de s’arrêter à 1817, époque à laquelle les dénombremens ont commencé à être faits avec un soin qui ne s’est jamais démenti depuis. Or, de 1817 à 1851, la population parisienne a suivi la progression suivante :


1817 713,966 âmes.
1831 785,852 —
1836 868,438 —
1841 935,261 —
1846 1,053,897 —
1851 1,053,262 —

Ainsi de 1817 à 1851, c’est-à-dire dans une période de trente-cinq années, la population de Paris s’est accrue de 323,000 âmes. Dans ce chiffre, l’excédant des naissances sur les décès figure pour 78,000; l’augmentation due à d’autres causes est de 244,800. Si l’on consulte le mouvement de la population dans la plupart des grandes villes de France, on peut voir qu’il se rapproche beaucoup lui-même de cette progression. Il a été partout le résultat du développement régulier du commerce et de l’industrie.

Mais, pour les communes placées entre le mur d’octroi de Paris et l’enceinte continue, les choses ont marché bien autrement. Là, dans ces dix dernières années, le chiffre de la population s’est élevé tout à coup à des proportions considérables, ainsi que le constate M. Le préfet de la Seine dans son rapport à la commission départementale. « L’augmentation de la population de la Seine, dit ce magistrat, qui n’a pas été moindre de 21 pour 100 de 1851 à 1856 pour le département, n’a produit que 11 pour 100 dans Paris, tandis qu’elle a donné 61 pour 100 dans la banlieue suburbaine et 31 pour