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faut placer l’Hôtel-de-Ville, ont été construits, achevés ou restaurés, et le dernier magistrat auquel la confiance du roi avait remis l’administration parisienne, M. Le comte de Rambuteau, avait acquis dans l’exercice tout paternel de ses fonctions une popularité dont le souvenir survit encore. On a cependant critiqué l’économie de l’ancien conseil municipal; aurait-il mieux valu qu’on eût à blâmer sa prodigalité? Il restait à régler le mode d’administration de la commune; on doit regretter que la loi spéciale promise à la population parisienne dès 1837 n’ait point vu le jour, et que la plus fâcheuse incohérence ait continué de subsister dans le régime administratif de la ville. Depuis la loi du 5 mai 1855, la nomination du conseil municipal de Paris, des conseils municipaux et du conseil-général de la Seine, est retournée au pouvoir exécutif, de telle sorte que l’on peut dire encore aujourd’hui avec Henrion de Pansey que la reine des cités est étrangère à l’administration de son patrimoine et à la gestion de ses revenus.

Telles ont été les principales phases de la vie municipale à Paris. Il faut s’attacher maintenant au mouvement de la population parisienne, à son accroissement si considérable et si subit, en essayant de remonter aux causes d’un fait qui peut avoir d’aussi graves conséquences pour le pays.


II.

On estime à peu près à 400,000 âmes l’excédant dépopulation que l’annexion de la banlieue verserait dans Paris et ajouterait au chiffre déjà si élevé de la population actuelle. Sur ce point, une grande crainte, — n’était-ce qu’un préjugé? — agitait l’esprit de nos anciens rois; ils n’ont jamais reculé les limites de Paris qu’à leur corps défendant, et chaque fois qu’ils ont englobé la population suburbaine dans de nouvelles murailles, ils ont essayé par des défenses souvent réitérées d’empêcher les faubourgs de se reformer au dehors, voyant des dangers certains dans les agrandissemens trop rapides de la ville. « Ainsi, disait le préambule du règlement de 1672, ils avoient sagement prévu qu’en cet état de grandeur où ils l’avoient portée, elle devoit craindre le sort des plus puissantes villes, qui ont trouvé en elles-mêmes le principe de leur ruine, et étant difficile que l’ordre et la police se distribuent dans toutes les parties d’un si grand corps, cette raison les avoit portés à la réduire et les faubourgs d’icelle dans des limites justes et raisonnables, faisant défense de les étendre au-delà. » Un siècle plus tard, le marquis de Mirabeau disait que les capitales sont nécessaires, mais que si la tête devient trop grosse, le corps devient apoplectique, et tout périt. C’était toujours, on le voit, la même pensée, sinon la même crainte.