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cesse, en dépit des édits; mais sa prépondérance s’augmente plus vite encore que ses murailles. Ce qui la lui assure, c’est moins ce qui se passe dans son enceinte que ce qui arrive au dehors. Dans le même temps en effet, les libertés locales achevaient de plus en plus de disparaître; les symptômes d’une vie indépendante cessaient; la dernière trace de l’ancienne vie publique était effacée. Ce n’était pas pourtant que la nation tombât en langueur ; le mouvement y était au contraire partout, seulement le moteur n’était plus qu’à Paris[1]. »

L’assemblée constituante fit refluer la vie municipale sur tous les points de notre pays; elle rendit aux communes l’initiative qu’elles avaient perdue, et débarrassa le gouvernement du soin de tout ce qui était en dehors du domaine général et politique. Le droit électoral fut rendu à la population parisienne, et l’Hôtel-de-Ville redevint le véritable parloir aux bourgeois. «Quelle heureuse circonstance, s’écriait Mirabeau, que celle où la capitale, en élevant sa municipalité sur les vrais principes d’une élection libre, faite par la fusion des trois ordres dans la commune, avec la fréquente amovibilité des conseils et des emplois, peut offrir à toutes les villes du royaume un modèle à imiter! » Et l’on s’accorde à dire que les nouveaux mandataires de la cité se montrèrent dignes de la mission qui leur fut confiée par la population elle-même. D’où vient cependant cette espèce de discrédit que l’on cherche à jeter sur le gouvernement municipal de Paris? De ce qu’on lui suppose une redoutable influence sur les destinées du pays tout entier. Et cette préoccupation même, d’où vient-elle? De la plus déplorable confusion de dates et d’événemens. Une commission insurrectionnelle s’empare un jour violemment de l’Hôtel-de-Ville, et en fait le centre de la plus exécrable dictature dont la France ait gardé le souvenir. Cette commission marche de forfait en forfait et répand la terreur dans le pays. Voilà, dit-on, le résultat des libertés municipales à Paris! Mais quoi! le corps municipal désigné par le suffrage des habitans était encore en plein exercice le 10 août 1792. Ce jour-là, l’agitation régnait dans la ville. L’émeute menaçait de se porter au château; le roi et sa famille s’étaient retirés au sein de l’assemblée nationale. Quelques sections de Paris prononcent d’elles-mêmes la déchéance de la municipalité; des commissaires sont chargés, au milieu de la nuit, de s’emparer de l’Hôtel-de-Ville et de notifier aux magistrats municipaux en exercice l’arrêté de déchéance que voici : « L’assemblée des commissaires de la majorité des sections, réunis en plein pouvoir pour sauver la chose publique, a arrêté que la me-

  1. L’Ancien Régime et la Révolution, chap, VII.