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royer l’une contre l’autre. Il est vrai que la haine de l’étranger, du conquérant, supplée à l’idée de nation, et entretient une hostilité sourde dont les effets seront amoindris par toute mesure qui détachera de la masse ennemie quelque fragment et l’attirera vers nous. Individus, familles, tribus entières ou simples douars, tout sera de bonne prise. Au nom de ce programme, nous ouvririons aux musulmans, et à deux battans, les portes aujourd’hui fermées de la naturalisation, en place de ces jouissances de droit civil dont la concession est de loin en loin annoncée à de rares élus. Alors viendraient à nous quelques-uns de ces hommes de bonne volonté, au caractère malléable et liant, comme la nature en crée toujours pour fondre les contrastes et ménager les transitions entre les races humaines. Nous développerions un germe excellent, celui des mousses et des matelots indigènes, admis, en trop petit nombre encore, à servir sur nos bâtimens, premier pas vers l’inscription maritime : l’histoire de trois siècles de piraterie atteste les rares aptitudes des populations barbaresques à la vie de mer. Les mêmes raisons plaident en faveur du maintien des troupes indigènes, spahis et tirailleurs, qui adoptent un certain esprit de civilisation et l’importent dans les tribus. La voix publique établit pourtant une distinction entre les tirailleurs algériens, simples fantassins recrutés dans les couches inférieures du peuple, vivant dans un isolement qui entretient leur ignorant fanatisme, et les spahis, fils des familles aisées, plus intimement mêlés à la vie européenne, et rendant comme courriers, éclaireurs, espions, soldats, laboureurs, des services incontestés. Par tous ces moyens, la politique française écartera des esprits et des faits ce fantôme du peuple arabe, qui deviendrait une dangereuse réalité en prenant corps et âme.

Un pas de plus, et la stratégie politique abordera, pour les entamer avec prudence, les institutions de la société musulmane et à leur tête la religion. Une attaque directe violerait la capitulation de 1830, et soulèverait le pays; la propagande et la polémique inquiéteraient sans aucun résultat. Parvenus au monothéisme le plus absolu, les musulmans jugent avec rigueur le dogme de la trinité; habitués à élever leur âme à Dieu sans intermédiaire humain et sans l’appui des pompes matérielles, ils sont plus étonnés qu’édifiés des splendeurs du culte catholique. Pour amortir le fanatisme musulman, moins intraitable et moins vivace pourtant qu’on ne le pense, le meilleur moyen serait de joindre au mélange des populations l’action plus immédiate de l’influence française sur les chefs religieux de l’islam. Un consistoire central à Alger y aiderait, en mettant l’élite de ces chefs en contact direct avec l’esprit civilisé. Sous le nom de médressa, des écoles supérieures ont été instituées à Blidah, Tlemcen et Constantine pour l’enseignement des hautes sciences