générales dérivent en effet toutes les conséquences d’une véritable portée : la part des fonctionnaires ne vient qu’au second et au troisième plan, en mal comme en bien. Nous tenons beaucoup à bien distinguer notre voix, qui appelle de fécondes réformes, de celles qui ont proclamé que la mise en suspicion de quiconque avait trempé dans l’administration algérienne devait être le programme de toute nouvelle politique, car tout progrès exigeait que l’on fît table rase du passé. De telles violences s’expliquent par l’amertume des colères de l’exil; elles seraient impardonnables chez tout homme à qui le malheur n’a pas ôté le calme de la raison et de la conscience.
L’administration des indigènes de l’Algérie pose à la France un des problèmes les plus complexes de l’histoire humaine : l’accord à établir entre deux sociétés séparées par des contrastes qui ressemblent à des abîmes, la race, la religion, la langue, les mœurs, le costume. Le hasard des aventures aurait rapproché les deux peuples, que leur entente amiable serait encore fort malaisée à établir : combien le succès est autrement difficile pour des vainqueurs qui ont à se faire pardonner la conquête par les armes et l’occupation permanente d’un pays ennemi! Non contente de n’avoir ni spolié, ni refoulé, ni exterminé les possesseurs du sol, la France veut en outre les régénérer par des bienfaits : œuvre fort ardue d’éducation sociale, car il s’agit, non plus de planter sur un sol vierge, mais de greffer un jeune rameau sur un vieux tronc pour ranimer le tronc lui-même. Aussi convient-il de bien préciser l’idéal poursuivi sous le nom de fusion. Dans le sens d’une assimilation administrative immédiate, nous avons dit quels obstacles s’y opposaient : ce sont les situations trop hétérogènes. Plus haute encore est la barrière contre une assimilation absolue sous le rapport social : la religion ne la permet pas. L’unité d’ailleurs peut se trouver aussi bien dans l’harmonie que dans l’uniformité. Avec leurs habitudes d’esprit, nées de la révolution et de la centralisation, les Français d’aujourd’hui ont quelque peine à reconnaître comme légitimes les diversités extérieures dans les usages, les diversités intérieures dans les esprits et les consciences : étroites préventions que condamne la tradition du génie colonisateur de la France, lequel brilla toujours par une sociabilité souple et bienveillante. La variété lui plaît, il s’en accommode et l’amène à ses fins : variété d’origine et de culte, variété de coutumes et de langage, variété même de peau. Sur tout rivage où il aborde, il inscrit sur son drapeau la liberté pour chacun de vivre à sa guise, à la condition de ne pas troubler la paix ni la morale publique, et de respecter en autrui pareille liberté. Le temps fait le