Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/916

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien plus modeste est le rôle de la marine de l’état, réduite à une douzaine de petits bâtimens, sous le commandement d’un contre-amiral. La marine marchande, moins riche encore, à ne compter que les navires appartenant au commerce algérien, est considérable, si l’on y ajoute tous ceux qui naviguent dans les eaux du littoral : elle s’accroît d’année en année, tandis que la première diminue. Depuis longtemps déjà, l’état s’est dessaisi du service de la correspondance entre la France et la colonie au profit de compagnies qui l’exécutent avec une célérité et une exactitude jusqu’alors inconnues : le vœu public réclame énergiquement une cession pareille pour le service de la côte, aujourd’hui fait par l’état dans des conditions intolérables pour les particuliers. A cet ordre d’entreprises se rattachent les passages gratuits, objet de tant d’abus et de plaintes, détail en apparence secondaire, et qui a l’importance d’un principe. Le ministère de l’Algérie paraît décidé à y introduire une sévérité qui ne saurait nuire gravement à l’émigration. La somme de 5 ou 600 fr. que toute famille d’émigrans débourse pour se rendre en Amérique en amènerait trois ou quatre en Algérie. Le prix actuel, qui est trop élevé, baisserait, si les crédits, aujourd’hui abusivement affectés aux passages gratuits de toute espèce, étaient employés à obtenir de fortes réductions sur les prix de deuxième et troisième classe pour tous les passagers, sans qu’il fût besoin d’autorisations individuelles, sources de faveurs, de lenteurs et de déceptions. Cette réduction serait bornée aux voyages pour aller, seuls dignes d’encouragemens. Dans cette mesure, l’intervention de l’état s’appuierait sur des précédens établis par l’Angleterre elle-même, si experte en cette matière, et qui aide des deniers publics l’envoi des émigrans sans ressources dans ses lointaines colonies.

Toutes les branches de l’administration se reflètent dans les finances comme en un fidèle miroir. L’organisation financière de la colonie algérienne diffère en beaucoup de points de celle de la métropole, pour les sources comme pour l’administration des revenus : nous ne parlons pas de la répartition, dont il a été question à l’occasion des budgets provinciaux. En fait d’impôts directs, les Européens ne paient que celui des patentes, grevé de centimes additionnels pour la dépense des chambres de commerce; l’impôt personnel et mobilier est remplacé par une taxe des loyers au profit des communes. L’impôt foncier n’existe pas, c’est une prime accordée à la colonisation; néanmoins les concessions sont toutes grevées d’une rente annuelle de 1 à 3 francs par hectare, qui ressemble de fort près à l’impôt, et les préfets ne cachent plus leurs projets de centimes additionnels à établir d’après des tableaux fictifs de l’impôt principal, fictions qui ne tarderont pas à devenir des réalités, quand les receveurs auront sous la main un travail tout préparé. Contre cette