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colons : rôle prétentieux, impossible dans un pays où la tradition manque entièrement, où les vétérans mêmes de l’agriculture sous d’autres cieux ont à refaire leur apprentissage. Là, plus qu’en Europe encore, l’agriculture est une affaire d’expérience locale, pour laquelle un colon quelque peu ancien et bon observateur en sait plus que le meilleur élève des meilleures écoles de France. Sauf un petit nombre de vieux Algériens qui ont appris la culture à leurs dépens, la plupart des inspecteurs de colonisation ne l’ont étudiée que dans des bureaux ou des carrés de jardin, et leur principal mérite consisterait à s’abstenir. Au lieu de s’effacer ainsi, et voulant d’ailleurs justifier leur titre, ils s’ingèrent dans les cultures de leur ressort, distribuent à contre-sens des conseils et des leçons, vantent telle excentricité de leur invention ou de celle du préfet et du sous-préfet dont ils dépendent, et l’imposent, dans la mesure de leur autorité, à des cultivateurs que le caractère provisoire des concessions soumet à leur influence. Du profit ou de la perte pécuniaire, la seule chose qui touche le colon, ils n’ont pas à s’inquiéter. L’état prétendant enseigner l’agriculture, surtout dans la période des tâtonnemens, ne pouvait que se tromper : aussi doit-on se féliciter qu’il n’ait pas créé, comme on le lui a souvent demandé, des moniteurs pour le coton, pour la soie, non plus que des fermes-modèles, des cours d’agriculture et d’horticulture, institutions plus dangereuses qu’utiles dans une colonie où chacun ne peut faire son noviciat pratique qu’à l’école de ses aînés. Quant à la dose de théorie qui ne doit pas rester inconnue de propriétaires instruits, les livres, les journaux, les écrits spéciaux y suffisent. Que l’état contribue à les répandre, par des distributions de notices ou par la formation de bibliothèques publiques, nous l’admettons. Son rôle est encore indiqué pour une part dans l’organisation des concours et des expositions, et là du moins il a largement fait son devoir depuis une dizaine d’années. De nombreux concours, convenablement dotés, ont été inaugurés dans les trois provinces; à Alger et à Paris, on a fondé des expositions permanentes d’une richesse remarquable, celle de Paris surtout, qui, un peu délaissée aujourd’hui dans les solitudes du faubourg Saint-Germain, brillera bientôt sous les voûtes du Palais de l’Industrie, en compagnie de sa rivale, l’exposition des colonies.

Il nous faut aussi parler des pépinières publiques que les rapports officiels ont prônées avec trop de complaisance. Le point de départ fut pourtant irréprochable : c’était un jardin d’essai, fondé au Hamma, près d’Alger, en 1833, et transformé, six ans après, en pépinière centrale de naturalisation ou d’acclimatation. En vue des recherches que ces désignations promettaient, deux autres établissemens auraient dû compléter le premier : l’un à Tlemcen ou à Mascara, dans la région des moyennes altitudes, l’autre à Biskara, dans les