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attribution, l’Algérie assiste à des scènes qui compromettent singulièrement le respect dû à l’état. Des localités qui ont vu vendre de leurs terres pour un demi-million de francs ne peuvent obtenir ni routes, ni canaux d’irrigation, ni aucune des autres conditions normales de leur existence, sur la foi desquelles les acquéreurs ont acheté. Ailleurs l’absence de toute dotation productive de revenus met les municipalités dans l’impossibilité de suffire à leurs frais d’administration, et l’état lui-même réclame pour elles les libéralités de la province. C’est pourtant l’état qui les a créées et mises au monde : ne devait-il pas assurer leur viabilité par un premier fonds, lui qui s’est approprié toutes les ressources immobilières de chaque localité?

Que l’état se montre désormais plus libéral. En constituant la commune sur de larges et solides bases, il assurera la prospérité du trésor public, car il trouvera un jour d’amples compensations dans l’impôt prélevé sur la richesse, et non plus sur la misère. Des communes renommées pour leurs belles dotations, comme on en voit aux États-Unis, attireront les habitans; sentant leur force, elles rivaliseront d’une noble ambition pour multiplier les créations fécondes, et ne tendront plus une main mendiante pour se sauver du découragement et payer leurs dettes.


II.

Assise sur ses vraies bases, la commune et la province, l’Algérie se prêtera facilement aux réformes spéciales qu’appellent les divers services publics. Ici du reste les problèmes se simplifient, les analogies ou les différences avec l’organisation de la France devenant plus saisissables. De ces services, les uns sont d’ordre moral : ce sont la justice, l’instruction, les cultes; les autres sont d’ordre matériel, ceux qui ont trait à l’agriculture, au commerce, aux travaux publics, à l’armée, à la marine et aux finances. Entre les uns et les autres, l’assistance sert de lien. Nous essaierons de marquer pour chacun les progrès qui restent à accomplir, en nous circonscrivant dans le cadre de la population européenne, et réservant pour les indigènes un ensemble de vues particulières.

Les bienfaits d’une justice consciencieuse, prompte et économique, sont surtout appréciés par les populations émigrantes d’origines les plus diverses : étrangères aux traditions du bon voisinage, ne pouvant s’appuyer encore sur les mœurs, elles font au moindre conflit appel aux lois. A travers bien des lenteurs et des luttes, l’Algérie a obtenu l’entière application des codes civil, commercial et pénal. Le code de procédure a été simplifié pour elle. Quant au