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amortir autrefois en face des nécessités de la guerre, avaient repris dans les dernières années une gravité qui paralysait toute administration. Une double centralisation compliquait et traînait en longueur les affaires, et sur cette vieille terre des pachas, qui semble exhaler d’enivrans miasmes de despotisme, le pouvoir absolu pesait sur les âmes plus encore que sur les intérêts. Enfin les deux provinces latérales, auparavant sacrifiées à celle du centre sous le rapport financier, désespéraient de voir s’établir entre elles une balance équitable : elles l’ont enfin obtenue.

Cette réforme n’a porté aucune atteinte grave, et l’on doit s’en réjouir, à l’unité de la colonie, considérée comme corps social ralliant dans une vie d’ensemble tout ce que couvre le nom d’Algérie. Dans la plupart des services administratifs, l’unité reste intacte. L’armée d’Afrique se personnifie dans un commandant supérieur, la marine dans un contre-amiral; la hiérarchie judiciaire a pour centre une cour impériale, avec ses chefs égaux, un premier président et un procureur-général. Un évêque règne dans le diocèse catholique, et un consistoire veille aux intérêts du culte protestant. L’instruction publique est placée sous la haute direction d’un recteur d’académie; les finances sont contrôlées par des inspecteurs résidant sur place. La banque d’Alger, quoiqu’elle soit une simple entreprise privée, règle par ses deux succursales le mouvement des capitaux à l’est et à l’ouest, comme au centre. Ces diverses institutions, auxquelles d’autres pourraient s’ajouter, notamment une conservation forestière, assurent à la ville d’Alger une prépondérance qui, dans ses limites naturelles, n’excite aucune jalousie. Un jour qui sera prochain, nous l’espérons, l’unité géographique sera matériellement scellée par l’exécution du réseau des chemins de fer, et c’est pourquoi il importe de bien constater la tradition et les symboles de cette idée, un peu effacée aujourd’hui dans les esprits, trop enclins à s’enflammer pour le morcellement administratif. Bien à plaindre serait l’Algérie le jour où son nom ne représenterait plus, comme celui de l’Alsace ou de la Normandie, qu’une réminiscence historique, au lieu d’exprimer une vivante et puissante réalité.

Plus heureuse a été la province algérienne. Longtemps méconnue ou réduite au rôle de division militaire, elle a été remise dans tout son jour et son honneur par le décret du 17 octobre 1858, qui en a fait la plus haute assise de l’édifice administratif avec son double et nécessaire support, un conseil-général et un budget. Au lieu d’accueillir des deux mains la province ressuscitée, ne s’est-il pas trouve des publicistes assez malavisés pour en demander la suppression? D’autres ont réclamé le démembrement immédiat en une multitude