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blique ne fût avoué de personne. De là les confusions et les contradictions de cette affaire, le plus grand gâchis (pasticcio) politique qu’on ait vu depuis bien longtemps. » Il est facile de voir que Balbo, tout désireux qu’il est d’une restauration papale et toujours persuadé que le pape peut cesser d’être absorbé par l’Autriche, regrette néanmoins que les armes françaises aient servi à rétablir à Rome la prépondérance autrichienne.

Tout concourait ainsi à le désabuser de ses illusions obstinées. La mission de Balbo à Gaëte fut complètement stérile, et ne diminua en rien la profonde défiance que Pie IX gardait contre les constitutions et les idées d’indépendance. On retrouve César Balbo à la chambre dans la discussion de la loi pour l’abolition du for ecclésiastique. Atteint d’une cécité presque complète depuis son voyage à Gaëte, il dut faire lire en son nom le discours qu’il avait dicté. « Je ne suis pas légiste, disait-il, et je connais moins encore le droit canon que le droit civil; je laisse donc à d’autres la tâche de discuter le point de droit;... je n’en veux qu’aux faits incontestables. Or un fait certain, c’est que l’église est en possession de ce droit, de cet usage, de cette coutume, comme il vous plaira, et je conclus dès à présent que nous n’y devons rien changer sans le consentement de qui en a la possession matérielle. » Il ajoutait que la voie des accommodemens était plus sûre, quoique plus longue, et présentait moins d’inconvéniens. « Comment, messieurs! dix ou quinze ans vous semblent donc un terme trop long pour la destruction de ce qui dure depuis quinze siècles, pour une destruction légale, faite avec douceur, et non pas point force, faite avec la satisfaction générale, et en évitant de troubler des consciences alarmées à tort ou à raison! » Il concluait en demandant qu’on différât la discussion jusqu’après l’approbation des budgets de 1849 et de 1850. La loi fut votée cependant malgré l’opposition de vingt-six députés qui se séparèrent du ministère d’Azeglio, et formèrent ce qu’on nomma depuis l’extrême droite.

Balbo fut dès lors dans l’isolement, comme il le dit lui-même dans une page citée plus haut; il n’appartint plus à aucun parti, et, pour servir à quelque chose, il se mit à travailler dans les commissions qui préparaient la discussion des projets de loi présentés aux chambres. Il se montrait chagrin de l’attitude prise par la droite, qui avait fait pencher le ministère de l’autre côté et donné lieu au fameux connubio du cabinet avec le centre gauche. Balbo se trouvait déclassé, ne pouvant consentir à faire la petite guerre à Rome, et ne partageant pas les besoins de représailles que manifestait l’extrême droite. Isolé de la sorte, il songeait sérieusement à renoncer à ses fonctions de député, dont il s’acquittait du reste avec un zèle