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elle triomphe. L’atmosphère calme et douce des premiers jours ne convenait pas à son tempérament; ses statuts et sa santé veulent qu’elle soit persécutée, ou qu’elle persécute. L’ombre lui est précieuse; elle fait rayer du nombre des personnages appelés à siéger dans le haut conseil le père Vico, savant astronome, de peur que la présence d’un jésuite en si haut lieu ne prouve que la compagnie n’est pas persécutée. Poussé par ce vent qui le ramène à l’Autriche, le saint-père revient sur ses pas, prononce sa fameuse allocution en latin, et la fait publier sans la traduire. Le peuple de Rome, au premier moment, ne comprend pas. Seulement, lorsqu’après quelques jours il voit les ministres qui tenaient pour la guerre donner leur démission, et surtout lorsqu’il apprend que les Autrichiens ont pendu un soldat du pape avec cette inscription édifiante : c’est ainsi que l’on traite les soldats de Pie IX, l’idée lui vient de savoir ce que pense le pape; on traduit l’allocution. Sur-le-champ un cri général, s’élève, la garde civique prend les armes, le peuple s’assemble. Pie IX stupéfait déclare que, si on continue à le tourmenter, il abandonnera Rome; puis il appelle au ministère le philosophe Mamiani, pur de toute alliance avec Mazzini et constitutionnel très modéré. De ce moment, où le pape commence à former des projets de départ, date son abdication morale.

En même temps, et comme on venait de constater des mouvemens souterrains de sociétés absolutistes, on s’aperçut que Mazzini donnait signe de vie. Le célèbre républicain écrit au pape une lettre mystique où il l’exhorte à se mettre à la tête de la démocratie, et à représenter Dieu au milieu des peuples affranchis; ses amis répandent des insinuations vagues sur la possibilité d’une république italienne. La contre-mine répond à la mine, l’équilibre d’affiliations observé par César Balbo aux deux extrémités du corps social s’établit peu à peu au détriment de l’ordre. Aussitôt cet équilibre obtenu, les corporations clandestines se multiplient indéfiniment, les unes par opposition aux autres. « Aux sociétés libérales, dit Balbo, on oppose quantité de sociétés absolutistes, et, ce qui est pis, religieuses, calderari, guelfi, ferdinandei, san-fedisti, que sais-je encore? A celles-là se joignent incontestablement, peu ou beaucoup, quelques congrégations qui auraient dû rester religieuses... Je vois en elles un grand inconvénient, un scandale plus grand encore : c’est d’avoir abusé plus que les sectes libérales du mélange des choses divines avec les choses humaine. »

Le ministère Mamiani fut de courte durée, et d’autres combinaisons qui le suivirent ne furent pas plus heureuses. Enfin M. Rossi prit le portefeuille de l’intérieur; quoiqu’il fût bien tard, il s’efforça de contenir la multitude et de conclure une ligue entre tous les états