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passagère aux aspirations peu raisonnées du peuple, et les défauts de l’organisation nouvelle ne pouvaient être sensibles à la foule tant que cette organisation ne fonctionnait pas encore.

En même temps que le gouvernement pontifical entrait, sans savoir au juste ce qu’il faisait, dans le régime représentatif, la question de la guerre demandait une prompte décision, et la liberté, l’indépendance, irrésistibles et impérieuses, forçaient ensemble les portes du Quirinal. Ce fut l’œuvre d’indépendance qui fut répudiée la première comme incompatible avec la nature du pontificat. Les événemens commençaient une réfutation radicale de l’idée de Balbo. L’auteur des Speranze avait appelé le pape à l’indépendance avant toute chose, et c’est la cause de l’indépendance que le pape abandonnait avant celle de la liberté. Non-seulement Pie IX n’était point fait pour tirer du fourreau l’épée de Jules II; mais, l’eût-il été, ce n’était pas contre l’Autriche qu’il pouvait remettre en honneur les habitudes des papes guerriers du moyen âge. Qu’on ne s’y trompe point : ce n’est pas l’impossibilité de participer moralement à la guerre qui a décidé le pape à se séparer du mouvement national. L’histoire de la papauté lui offrait bien des exemples de semblables interventions; ce n’est pas sans effusion de sang d’ailleurs que s’est effectuée en son nom par les armes françaises la restauration de la papauté. Il y a, nous l’avons dit, affinité naturelle entre le saint-siège et l’Autriche; le pape et l’empereur affaiblis sont intéressés tous deux à s’unir contre des ennemis communs, suscités par la révolution et la réforme. Le péril les a réconciliés. Si l’esprit de l’église demandait un rapprochement anti-national, ses affaires ne l’exigeaient pas moins. Quelles que fussent les prédilections du saint-père pour ses fils opprimés, la politique, exempte d’amour comme de haine, le forçait à refouler ces sentimens au fond de son cœur. L’inimitié de l’Autriche était trop redoutable pour qu’il l’affrontât. Pour le pouvoir temporel du pape, une guerre contre l’Autriche était un suicide. C’est contre ces obstacles faciles à prévoir que vinrent se heurter les plans de Balbo.

L’histoire de ce temps fournit de curieux exemples des tergiversations et des réticences familières à la cour de Rome. Ainsi, lorsque les milices romaines furent arrivées sur les rives du Pô, sous le commandement du général Durando, elles demandèrent la permission de combattre. Durando, qui était parti avec l’ordre de n’agir que pour la défense du territoire pontifical, pria le pape de lever une consigne contre laquelle s’élevait l’impatience des troupes; le pape, comptant sur le caractère scrupuleux du général, répondit en l’engageant à prendre toutes les mesures qu’il jugerait nécessaires pour la tranquillité et le bien des états pontificaux. Les circonstances