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cabinet de Copenhague l’abolition de la constitution commune de la monarchie, qui portait atteinte, disait-on, à la nationalité allemande du Holstein, qui violait les privilèges du duché. Le Danemark a résisté d’abord, puis il a fini par céder à la nécessité : il a aboli la constitution du 2 octobre 1855, du moins en ce qui concerne le Holstein et le Lauenbourg, et il a convoqué les états provinciaux pour avoir leur avis sur l’organisation de la monarchie. C’était faire preuve de déférence envers la confédération germanique, et sous ce rapport le Danemark n’a point eu tort de se prêter à cette expérience nouvelle. Ce n’était pas assurément rendre la question plus facile à résoudre. Qu’est-il arrivé en effet ? Les états provinciaux se sont assemblés, ils ont nommé un comité, et tout aussitôt dans le travail de ce comité on a vu percer les idées de séparation du parti aristocratique holsteinois, cette pensée obstinée de détacher le Slesvig lui-même du Danemark pour le rattacher au Holstein et à l’Allemagne. Le fond des opinions de ce parti, c’est toujours le démembrement plus ou moins déguisé de la monarchie danoise. Au demeurant, quelles sont les propositions du comité des états provinciaux pour l’organisation constitutionnelle de la monarchie ? L’église luthérienne évangélique doit demeurer église d’état officielle, sans liberté de culte pour les autres religions !… Le Danemark, le Slesvig, le Holstein et le Lauenbourg formeront dans la monarchie quatre provinces tout à fait égales en droit et indépendantes l’une de l’autre : point d’organe commun représentatif et législatif, mais quatre assemblées provinciales pour les lois communes de l’ensemble aussi bien que pour les intérêts particuliers à chaque province. Pour les lois d’ensemble, le gouvernement seul aura l’initiative. Les élections se feront par classes, et suivant un cens proportionnellement assez élevé. Les députés de l’ordre équestre, des grands terriens, du clergé, seront presque aussi nombreux que ceux des petits propriétaires des villes et de la campagne réunis. Il n’y aura point d’indigénat valable dans la monarchie entière. Nul ne pourra être fonctionnaire public ailleurs que dans la province où il est indigène, sauf les habitans du Slesvig et du Holstein, qui pourront acquérir l’indigénat dans les deux duchés ensemble, en faisant deux années d’études à l’université holsteinoise de Kiel.

Cette dernière combinaison révèle assez naïvement la pensée de la majorité aristocratique des états provinciaux du Holstein. Le rapport et les conclusions du comité ont été adoptés sans discussion ; mais ici est intervenu le commissaire royal représentant le cabinet de Copenhague, qui a protesté contre le rapport du comité aussi bien que contre le vote de l’assemblée, en rappelant notamment que les états provinciaux du Holstein dépassaient leurs droits quand ils prenaient des résolutions sur l’organisation générale de la monarchie, et qu’ils n’avaient aucun titre à formuler des délibérations relatives au Slesvig. Deux faits, ce nous semble, ressortent de tout ce qui s’est passé dans cette session : le premier, c’est que le projet de constitution élaboré par les états provinciaux du Holstein est aussi impraticable, bien moins libéral et plus contraire que tous les autres essais de ce genre à l’intégrité de la monarchie ; le second fait, c’est que le parti holsteinois n’a répondu aux dernières concessions du cabinet de Copenhague que par les témoignages multipliés d’une animosité malheureusement persistante. Au fond,