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énergie de 1820, le monde entier s’exaltait à ce fait, sans exemple depuis des siècles dans les annales catholiques, d’un pape libérateur. Le 14 janvier 1847, un ambassadeur extraordinaire du sultan vint complimenter Pie IX. Il avait été précédé par un des fils du roi des Français. Bientôt après vinrent le prince Maximilien de Bavière, la reine d’Espagne Marie-Christine et un ambassadeur du Chili. O’Connell, parti d’Irlande pour aller féliciter le nouveau pontife, étant mort en route, fut salué d’une oraison funèbre par le père Lacordaire, qui unit le nom de Pie IX à celui de l’illustre défenseur des Irlandais, et prononça de magnifiques paroles sur la tolérance universelle. Les États-Unis eux-mêmes se joignirent à l’applaudissement général. Le pape usant envers les peuples de son pouvoir de délier sur la terre, la raison et la foi unies, l’autorité et la liberté conciliées, l’association de tous les peuples du globe fondée sur le christianisme, tous ces songes paraissaient réalisés par cet avènement providentiel. Des prédicateurs parcouraient les campagnes, prêchant la croisade nationale. Il semblait que cette chose mystérieuse et inexplicable, la liberté, qui transfigurait jusqu’à la papauté antique, fût devenue le fatum inévitable, l’irrésistible destin des temps modernes. C’est à peine du reste si à l’origine on se préoccupait de constitutions et de réformes. La guerre était le vœu principal, car l’Autriche était le seul danger visible qui menaçât ces réformes et ces constitutions, consenties en apparence par tous les pouvoirs intérieurs. Toute constitution accordée à un état italien était, comme on l’a dit tant de fois, une provocation permanente.

Telle était la disposition des esprits, quand furent posées, comme au hasard, les premières assises du régime représentatif en Piémont. Le 7 février 1848, le roi réunit en conférence tous les ministres, plusieurs membres du conseil d’état et quelques magistrats éminens. Il leur déclara son intention de réaliser immédiatement les promesses faites depuis quelques mois par la couronne. Dans un discours étendu et travaillé, il insista sur le renfort apporté aux idées libérales par le concours du pape et du clergé. Il justifia d’après cette pensée la politique suivie par son gouvernement durant les longues années où ce concours n’existait pas encore, et en concluant il se montra résolu à toutes les réformes nécessaires au salut de l’état, et compatibles avec le maintien de la religion et de la monarchie. Le lendemain, une notification royale publiait les bases définitives du statut. Quinze jours plus tard, César Balbo était nommé président d’une commission chargée de proposer une loi électorale.

La discussion de cette loi fut troublée par des événemens d’une gravité sans égale. Gênes et Turin s’agitaient ; la révolution de fé-