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terre y a mis certaines conditions que nous ignorons ; nous ne savons si ce sont celles qui ont été posées par l’Autriche, et parmi lesquelles figure la revendication des principes du protocole signé à Aix-la-Chapelle le 15 novembre 1818 comme base des délibérations du futur congrès. En même temps que la proposition du congrès était adoptée, l’Angleterre obtenait de M. de Cavour l’engagement consigné dans une dépêche adressée au marquis d’Azeglio que le Piémont n’attaquerait point l’Autriche. Ainsi l’Autriche, la Sardaigne et la France ont également promis de ne point prendre l’initiative de l’agression, et ces solennelles promesses laissent le champ libre aux négociations.

Le lieu choisi pour les délibérations du congrès est probablement Bade ; l’époque fixée pour la réunion des plénipotentiaires est certainement le 30 avril. Il ne paraît guère possible que les travaux du congrès se puissent accomplir en moins de deux mois, ce qui renvoie au commencement de juillet l’échéance d’une solution. Déjà les noms de quelques-uns des plénipotentiaires sont connus : on sait que la Russie sera représentée par son ministre des affaires étrangères, le prince Gortchakof, et par son ambassadeur à Londres, M. de Brunnow ; lord Malmesbury et lord Covvley sont les plénipotentiaires de l’Angleterre ; le premier plénipotentiaire français sera M. le comte Walevvski. Sous quelle forme et à quelle condition l’accès du congrès serat-il ouvert aux états italiens ? C’est ce qui ne paraît pas avoir été décidé encore. L’article iv du protocole d’Aix-la-Chapelle invoqué par l’Autriche implique la participation des états italiens ; l’Angleterre pense, suivant la déclaration de lord Malmesbury, qu’ils devront être mis à même d’exposer leurs vues ; le bon sens et l’équité veulent qu’il en soit ainsi, car comment examiner et régler l’état de l’Italie sans interroger et sans entendre les gouvernemens italiens ? Il faut qu’ils aient au moins voix consultative ; on ne peut leur refuser ce rôle, et eux-mêmes ne sauraient s’y refuser. Nous disons surtout cette observation en vue du Piémont : nous comprendrions que M. de Cavour, pour mieux sauvegarder l’indépendance de sa politique et la liberté d’action de son souverain, eût peu de goût à figurer au congrès avec voix délibérative ; mais nous ne comprendrions pas que si la cause de l’Italie ne le comptait point parmi ses juges, elle pût, devant le congrès, se passer d’un tel défenseur.

Cette réunion d’un congrès pour l’examen de la situation de l’Italie est un fait d’une haute importance. Avant de discuter les inductions que l’opinion publique en peut tirer par rapport à la solution de la crise qui ébranle l’Europe, nous croyons devoir insister sur le caractère même de cette délibération commune des grandes puissances. Un congrès est une des combinaisons les plus sérieuses et les plus solennelles auxquelles puissent donner lieu les relations internationales. Une négociation directe et particulière entre deux puissances est une simple discussion qui n’a point de sanction, lorsqu’elle ne met point d’accord les cabinets entre lesquels elle est engagée. Les conférences auxquelles prennent part plusieurs puissances servent à l’élaboration des questions, elles précèdent les congrès pour en préparer les élémens, et les suivent pour régler l’application des décisions qui y ont été arrêtées ; elles sont des commissions d’instruction ou d’exécution, mais elles ne posent point les principes qui déterminent le droit public de la so-