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pères, ne cesse de saper leur influence, et réserve autant que possible ces titres pour lui (il est propriétaire de huit régimens), les membres de sa famille ou des princes étrangers, tels que le roi des Belges et le roi de Hanovre. Il est même des personnages illustres, comme l’archiduc Charles, l’empereur Alexandre Ier, dont les régimens continuent de porter les noms après leur mort. On présume aisément que le titre de colonel propriétaire est purement honorifique lorsqu’il est porté par des princes étrangers; et par suite d’une méfiance gouvernementale contre toute supériorité, il en est exactement de même à l’égard des archiducs. Quant aux seigneurs ou aux généraux autrichiens qui jouissent de ce titre, ils ont l’initiative des propositions d’avancement, le droit de conférer le brevet qui ouvre à la jeune noblesse la carrière militaire, et on soumet à leur sanction toute punition disciplinaire jusqu’à la peine capitale inclusivement. Cette partie de leurs prérogatives est toujours déléguée à des degrés divers aux colonels titulaires et aux officiers. Les propriétaires de régimens possèdent aussi des honneurs militaires, et le service dans leurs corps est plus ou moins recherché, suivant le crédit qu’on leur suppose à la cour.

L’infanterie[1], ce noyau des armées, se compose en Autriche de soixante-deux régimens de ligne, un régiment de chasseurs tyroliens, quatorze régimens frontières et vingt-cinq bataillons d’infanterie légère. Le régiment tyrolien, en raison du service spécial que l’on en attend pour la guerre de montagne et de surprise, a survécu à l’ancienne institution des régimens provinciaux. Rien non plus n’a été changé à l’organisation des régimens frontières, due au génie du prince Eugène de Savoie. Le maréchal Marmont a donné sur ces troupes d’intéressans détails, auxquels il n’y a rien à ajouter. Les Illyriens et les Croates, qui les composent, forment la meilleure infanterie de la monarchie autrichienne; ils ont garanti son intégrité en 1848 en se jetant courageusement au-devant de l’insurrection hongroise, service immense payé par l’ingratitude. Leur chef, le célèbre Jellachich, a dû se démettre de ses fonctions de ban de Croatie. La juste popularité due à son énergie et à ses talens, l’auréole de gloire dont ils l’avaient entouré, excitaient la méfiance du pouvoir central, et de sourdes menées sont parvenues à ruiner son crédit. En présence d’un nouveau danger, l’empereur pourrait néanmoins compter encore sur le dévouement des peuples guerriers

  1. La garde ne peut compter que pour mémoire dans un exposé de la puissance militaire de l’Autriche; elle ne se compose en effet que d’un nombre très restreint d’officiers et de soldats qui remplissent un service d’honneur. On peut même dire que la garde noble italienne n’existe plus, car dans ces dernières années elle ne comptait qu’un seul représentant.