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la campagne de 1796. Des études sérieuses ont déterminé l’exécution de travaux considérables, et jusqu’ici peu connus en France : on a créé des places fortes, on y a installé des arsenaux ; des casernes défensives se sont élevées menaçantes au milieu des villes dont les dispositions paraissaient hostiles; on a percé des routes militaires au travers des montagnes, afin de tourner au besoin les populations soulevées ou les armées ennemies, et de paraître inopinément au milieu d’elles. L’armée a pris part à ces constructions, et pendant que l’on discutait en France l’avantage de l’emploi des troupes aux grands ouvrages d’utilité publique, cette mesure était appliquée de la manière la plus large par les ingénieurs autrichiens. C’est à peine si nous avions connaissance de ces immenses travaux, et on laissait se développer, sans presque le savoir, la puissance militaire qui domine le nord de l’Italie et s’étend déjà sur les états indépendans, tandis qu’elle élève sur le Rhin et sur le Danube d’immenses forteresses, à l’érection desquelles n’ont pas même suffi les contributions de guerre imposées à la France par l’invasion.

C’est faute d’informations suffisantes sur cette organisation savamment préparée des forces autrichiennes en Italie qu’on s’est étonné récemment de la rapidité avec laquelle des troupes ont été accumulées dans la Lombardo-Vénétie. Aux premiers frémissemens de l’opinion populaire, le Piémont a vu des camps s’échelonner sur sa frontière, des grands-gardes s’établir sur les bords du Tessin, et des cavaliers le mousqueton à la main veiller à chacun de ses ponts. On s’est demandé alors d’où venaient ces armées, ce que valaient ces places fortes et ces camps retranchés, s’ils avaient un caractère de permanence, ou s’ils étaient établis en vue de dispositions passagères. Aucune réponse satisfaisante n’a été faite encore à ces questions, qui méritent cependant d’être examinées en dehors même des préoccupations du moment. C’est aidé de quelques documens spéciaux et des publications trop rares de l’Autriche elle-même que nous essaierons d’exposer ici l’assiette de sa puissance militaire en Italie, rarement d’y joindre des appréciations personnelles sur la manière dont elle a atteint son but, nous contentant de rapporter avec fidélité les résultats de ses efforts non avec la portée que nous leur croyons, mais avec celle qu’on a voulu leur donner. L’armée, le pays, les forteresses, tels sont les points essentiels d’une pareille étude.


I.

C’est le rival de Napoléon, l’illustre archiduc Charles, qui a présidé à la réorganisation de l’armée autrichienne à l’époque des