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manifestait de toutes parts, de même en 1800 tous ceux qui exerçaient quelque influence sur la nation tendaient à la faire revenir sur ses pas, et ce qui avait été autrefois fut donné alors pour modèle de ce qui devait être. Rien n’était bien que le passé, et l’on préludait à son rétablissement dans les formes du gouvernement par tout ce qu’on pouvait tenter immédiatement sans révolter trop ouvertement les habitudes contractées pendant le cours de la révolution. »

Sans approuver complètement ce qui se faisait ni surtout ce qui s’annonçait, M. Miot était satisfait de sa position personnelle. Ce ne fut donc pas sans une vive contrariété qu’il se vit enlever à une existence qui lui plaisait sous tous les rapports pour une mission qui lui convenait beaucoup moins. Le premier consul, s’étant décidé à suspendre dans l’île de Corse le régime constitutionnel et légal que comportaient difficilement l’état sauvage de cette contrée et la violence des factions qui en divisaient les habitans, le chargea de l’administrer pendant cette suspension. Il eût voulu décliner cette tâche ingrate et pénible, mais ses objections ne furent pas admises. Déjà on ne discutait plus avec le maître. Dans cette espèce de dictature, qui commença au mois de mars 1801, M. Miot fit preuve, à en juger par son récit, de capacité et de vigueur; mais les ministres, voyant avec jalousie le pouvoir presque indépendant qu’il exerçait, le firent rappeler au bout de dix-huit mois, à sa grande satisfaction.


IV.

De retour à Paris, où, pendant son absence, le consulat décennal avait été remplacé par le consulat à vie, M. Miot reprit sa place au conseil d’état. Le changement qu’un aussi court espace de temps avait suffi pour opérer dans les habitudes du pays le frappa vivement. Chaque jour en effet voyait éclore quelque nouveau symptôme du retour aux usages de l’ancienne cour et de la royauté. Le général Leclerc, premier mari de Pauline Bonaparte, étant mort dans l’expédition de Saint-Domingue, le conseil d’état, convoqué extraordinairement, fit une visite de cérémonie au premier consul; le sénat et la magistrature suivirent cet exemple, tous les corps de l’état prirent le deuil, et ce deuil fut notifié officiellement au corps diplomatique. Cette circonstance fit beaucoup de sensation, et fut considérée comme une entreprise plus audacieuse que tout ce qu’on avait fait jusqu’alors pour détruire la liberté. Bientôt après, un arrêté du gouvernement substitua sur les monnaies l’effigie de Bonaparte à celle de la liberté. Au point où les choses en étaient venues, il n’était plus possible de se faire illusion sur le but auquel on tendait. Il n’y avait presque plus d’obstacles à craindre de la part des corps constitués ni même de l’opinion. Si, comme on le verra bien-