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para du pouvoir en renversant un gouvernement odieux et discrédité, qui avait réduit la France aux extrémités les plus déplorables. M. Miot exprime ainsi les sentimens que lui inspirèrent d’abord ces grandes nouvelles, lorsqu’elles lui parvinrent en Hollande : « La première impression qu’elles firent sur moi fut, je l’avoue, très pénible; je voyais le corps législatif honteusement chassé, la constitution de l’an III complètement renversée et la liberté gravement menacée. Cependant les noms des hommes qui avaient été les agens ou les confidens de cette révolution, et dont je connaissais les principes, me rassuraient : je ne pouvais me figurer qu’ils eussent prêté leur appui à l’homme qui s’en serait déclaré l’ennemi. Je flottais donc dans cette agitation d’esprit qu’excitent toujours les événemens mal connus, lorsque je reçus un courrier du général Berthier, qui, venant d’être nommé ministre de la guerre, m’appelait auprès de lui pour remplir cette même place de secrétaire-général que le patriote Bernadotte m’avait refusée... Je me déterminai facilement à accepter cette offre, quoique je ne pusse encore me faire une idée bien exacte de ce qui venait de se passer, ni en porter un jugement raisonné. »

A peine arrivé à Paris, M. Miot se présenta chez le général Bonaparte, qui le reçut très cordialement. « Je trouvai, dit-il, sa conversation plus ferme, plus nourrie qu’elle n’était autrefois. Il me parut avoir beaucoup gagné. Son âme, naturellement forte, s’était raidie dans les épreuves de la périlleuse expédition d’Egypte, et son énergie s’était accrue. Comme il connaissait mes opinions, il me montra la ferme résolution de respecter la liberté publique, mais en même temps il insistait sur la nécessité de créer une magistrature plus nerveuse que celle qui venait d’être renversée, et inclinait principalement vers tout ce qui pouvait tendre à centraliser le pouvoir. Du reste, il était moins brusque, et cherchait à mettre une certaine grâce dans ses discours, quoique souvent son impatience naturelle se fit sentir encore. »

Dans la nouvelle organisation donnée à la France, M. Miot ne tarda pas à être nommé membre du conseil d’état, dont les attributions législatives et administratives étaient alors d’autant plus importantes que celles des assemblées représentatives se trouvaient singulièrement amoindries; mais il avait d’abord siégé pendant quelques mois au tribunat, le seul corps qui conservât en réalité le caractère d’une représentation nationale, puisque c’était le seul où la discussion publique fût permise. Je ne reproduirai pas ici ce qu’il dit, après tant d’autres historiens, des tentatives faites par un certain nombre de tribuns, auxquels il ne paraît pas s’être associé, pour former une opposition et arrêter les progrès du pouvoir absolu. On leur a reproché d’avoir, par leurs efforts prématurés et in-