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ceux qui ont joué un rôle politique considérable dans un gouvernement se retirent lorsqu’il vient à être irrégulièrement renversé, ou même lorsque, sans être renversé, il change de direction et de système; mais ce devoir, cette convenance ne me paraissent pas s’appliquer à ceux qui n’ont exercé que des fonctions administratives, et je crois même qu’il est heureux pour le pays que la plupart restent à leur poste. Il faut pourtant y mettre une condition : c’est que, sous le gouvernement précédent, ils n’aient pas professé avec une exagération passionnée les opinions politiques de ce gouvernement, et qu’elles n’aient pas été pour eux un moyen d’avancement et de faveur. Ce dernier cas d’ailleurs est plus rare qu’on ne le pense. La carrière administrative, celle des bureaux surtout, porte assez naturellement ceux qui l’ont suivie longtemps à une modération pratique fondée sur une sorte d’indifférence, Habitués dans leur immobilité à voir les personnages politiques qui arrivent au gouvernement après avoir longtemps combattu dans les rangs de l’opposition modifier plus ou moins leurs anciens principes au contact des affaires, ils sont enclins à ne pas prendre au sérieux les querelles des partis et leurs combats les plus violons, à regarder les révolutions comme des crises inévitables et passagères, toujours suivies d’une période d’apaisement où l’on est heureux de recourir à leur expérience, et de renouer le fil des traditions.

Pendant les dix-huit mois qu’il avait passés au ministère des affaires étrangères en qualité de secrétaire-général, et avec fort peu d’occupations, M. Miot avait employé ses loisirs à compulser les archives de ce département pour y étudier la science et l’histoire de la diplomatie. Devenu ministre sous le titre de commissaire, il se hâta de tirer parti des notions qu’il avait acquises pour rétablir l’ordre dans le service et pour y apporter des améliorations de détail. Les relations extérieures avaient, comme je l’ai dit, repris quelque activité. Déjà la Toscane, la Prusse, la Hollande, l’Espagne, se rapprochant de la France, signaient avec elle des traités de paix, et, comme le Danemark, la Suède, la Suisse, les États-Unis, qui ne nous avaient jamais fait la guerre, accréditaient des envoyés à Paris; mais les grandes négociations qui aboutissaient à ces résultats ne passaient point par le ministère même : le comité de salut public se les était réservées. La position de M. Miot était donc loin d’avoir l’importance de celle d’un ministre ordinaire : il désira l’échanger contre un poste d’envoyé au dehors. On lui offrit le choix entre la légation des États-Unis et celle de Toscane : il préféra la Toscane.

Ce n’était pas alors une situation agréable et facile que celle des diplomates français qui commençaient à reparaître dans les cours étrangères. Malgré le 9 thermidor, on ne pouvait se persuader que