cin du prince a pu être appelé comme témoin, ou, ce qui est plus dans les usages du temps, on a pu lui demander son opinion par écrit. D’ailleurs, et le fait est remarquable, dans les communications diplomatiques faites par Philippe aux cours étrangères, on ne dit pas que le prince soit devenu fou. Le roi annonce seulement que, pour s’acquitter de ses devoirs envers Dieu et l’état, il est contraint de tenir son fils en captivité. « Cette résolution, écrit-il à la reine de Portugal, sa tante, n’a pas été provoquée par une faute de mon fils, ni un manque de respect de sa part. Ce n’est pas un châtiment qui lui soit infligé, car bien que ce châtiment ne fût que trop mérité, il aurait son temps et sa limite. Je n’espère pas que cela lui serve de leçon pour se corriger. Cette affaire a une autre cause et une autre raison. Le remède ne consiste pas dans le temps et les expédiens. » Si Philippe a cherché à être obscur, convenons qu’il y a bien réussi. Pour moi, il me semble que ces phrases entortillées ne dénotent autre chose que la difficulté qu’éprouve un roi si orgueilleux à dire simplement que son fils et son héritier présomptif est fou, et qu’il n’espère pas de guérison.
M. Prescott interprète d’une tout autre manière ce langage mystérieux. A son sentiment il y a dans le fait de don Carlos autre chose que de la folie, car s’il eût été fou, pourquoi lui eût-on fait son procès? Pourquoi une commission spéciale aurait-elle été chargée de le juger? — Elle se composait du cardinal Espinosa, le même que don Carlos avait menacé de son poignard, du prince d’Éboli et de Briviesca de Muntañones. Rien n’indique que le prince ait eu un défenseur, choisi par lui ou nommé d’office. Il ne fut même pas interrogé comme il semble, et la procédure demeura absolument secrète. Le prince mort, toutes les pièces furent remises au roi, qui les envoya aux archives de Simancas, selon son habitude. On dit qu’elles ne s’y trouvent plus, qu’en 1828 le roi Ferdinand VII, ayant eu la curiosité de les examiner, les fit venir à Madrid, et que là elles ont disparu. Malgré l’assertion de M. Prescott, confirmée par l’opinion de beaucoup d’Espagnols lettrés, je doute un peu de ce fait, et surtout que le roi Ferdinand, qui n’avait pas d’intérêt dynastique à cacher la vérité, n’ait révélé à personne la solution d’un problème historique qui n’était pas compromettante pour sa maison. D’ailleurs le roi était incapable sans doute de lire des écritures du XVIe siècle, et son premier soin eût été de s’adresser à quelque membre de l’Académie de l’Histoire pour se faire faire une traduction du grimoire de Simancas. Comment ne saurait-on pas quel fut ce traducteur? comment n’aurait-il pas dit quelque chose de son travail?
Quoi qu’il en soit, et pour revenir au chef d’accusation, M. Prescott tire une induction conforme à sa manière de voir d’une lettre écrite