« chacun tend à satisfaire ses besoins avec le moindre travail possible. » L’axiome semblera naïf à force d’évidence : on en trouve de pareils au point de départ de chaque étude. Celui-ci est pour l’économie politique un principe générateur, comme la fameuse phrase dont Descartes a fait sortir sa méthode, ou, si l’on veut, comme la théorie du levier en mécanique. N’est-ce pas à ce désir instinctif et général d’augmenter ses jouissances et de diminuer sa peine que l’industrie doit ses progrès incessans?
La première condition d’une bonne méthode est de limiter exactement le champ qu’on veut explorer. Pour M. Courcelle-Seneuil, l’économie politique n’est qu’une branche de la science sociale : elle se borne à étudier les services industriels comme productifs de richesses. Cette limitation est presque généralement adoptée. Il y a cependant des personnes disposées à croire qu’on matérialise l’enseignement, qu’on le déshonore en le renfermant strictement dans l’étude des phénomènes de production matérielle. Cette tendance est particulièrement remarquable dans une petite et respectable école où Bastiat a laissé des traditions de sentimentalité. L’homme, dit-on, l’agent producteur, étant constitué par l’union du physique et du moral, l’âme étant le moteur de la machine, comment négliger les influences morales dans les phénomènes qui déterminent la prospérité ou la décadence des nations? Cet argument n’est pas fait pour embarrasser. L’enseignement économique n’a de valeur qu’en raison de sa certitude : il ne peut arriver à la certitude que dans l’ordre des faits naturels, permanens, invariables. Sans méconnaître la double essence de l’homme, il s’occupe avant tout et particulièrement de sa portion mécanique pour ainsi dire, de ses instincts immuables dans leurs rapports avec la fécondation des ressources de la nature. Mettre en relief des faits certains et universels, si peu nombreux qu’ils soient, c’est sa vraie grandeur, sa noblesse scientifique. On l’affaiblirait si, pour en faire une sorte d’encyclopédie sociale, on prenait en considération l’autre élément constitutif de l’homme, le sentiment avec sa spontanéité et ses caprices. A mesure que la certitude irait en s’amoindrissant, on glisserait dans l’empirisme. Je suis loin toutefois de méconnaître l’influence des causes morales, même dans la production des biens matériels; mais, quand ce genre de force intervient, l’économiste sort du domaine restreint de la science pure pour passer dans celui de l’art. Ceci demande explication.
Les meilleurs esprits entre ceux que l’économie politique reconnaît pour ses maîtres ont senti la nécessité de faire cesser la confusion de la science et de l’art, de la théorie et de l’empirisme. Rossi notamment est revenu sur ce point dans plusieurs de ses le-