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pleine et entière des îles; la Russie résista. Deux projets de traité luttèrent l’un contre l’autre, le projet russe et le projet anglais : le projet russe, qui faisait des Iles-Ioniennes u avec leurs dépendances, soit sur mer, soit sur la côte adjacente, un état libre et indépendant, sous la dénomination de république des Sept-Iles unies, » qui plaçait cette république nouvelle, « quant à ses relations extérieures, sous la protection exclusive et immédiate de l’Angleterre et sous la garantie des trois autres puissances contractantes, la Russie, l’Autriche et la Prusse; » le projet anglais enfin, qui, sans s’inquiéter des engagemens passés et de la reconnaissance que les traités antérieurs avaient faite de l’indépendance du nouvel état, faisait des Iles-Ioniennes une possession pure et simple de l’Angleterre. La contradiction des deux projets révélait la lutte qui commençait dès ce moment entre la Russie et l’Angleterre; mais cette lutte ne pouvait pas dès 1815 aboutir à la guerre, et surtout pour les Iles-Ioniennes. La question ne valait pas une bataille. Il suffisait, pour la discuter et pour la décider, d’un débat diplomatique : le débat eut lieu et finit, comme tous les débats diplomatiques, par une transaction, qui fut le traité du 5 novembre 1815.

Le traité du 5 novembre 1815 est l’acte fondamental des Iles-Ioniennes. Les Ioniens ont droit à tout ce que leur accorde ce traité; ils n’ont droit, selon la loi internationale, à rien de plus. Tout ce que les Ioniens demandent au nom de ce traité, ils le demandent au nom des obligations que l’Angleterre a contractées envers eux et envers l’Europe; tout ce qu’ils demandent en dehors de ce traité, ils le demandent à la bienveillance et à l’équité de l’Angleterre au nom du droit naturel seulement. Examinons donc rapidement quels sont, aux termes du traité du 5 novembre 1815, les droits de l’Angleterre sur les Iles-Ioniennes, les droits des Iles-Ioniennes envers l’Angleterre.

L’article 1er déclare que les Iles-Ioniennes «formeront un seul état libre et indépendant, sous la dénomination des états unis des Iles-Ioniennes. » Ainsi les Iles-Ioniennes sont un état libre et indépendant; seulement elles ne prennent plus le titre de république. En 1815, ce mot commençait à sonner mal aux oreilles de la diplomatie européenne. Les Iles-Ioniennes perdent aussi par cet article leurs dépendances en Albanie, qui sont cédées à la Porte-Ottomane. On peut voir poindre dans cet article le système des complaisances de l’Europe envers la Turquie, complaisances toutes gratuites, puisque l’Europe ne cède certes point à la peur, complaisances cruelles, puisqu’elle sacrifie des populations chrétiennes à la tyrannie musulmane.

L’article 2 du traité place les Iles-Ioniennes sous la protection immédiate et exclusive de l’Angleterre. Ainsi il s’agit d’une protec-