Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Turquie accomplit cette promesse, et les sept îles furent érigées en république, à l’instar de celle de Raguse, sous la suzeraineté de la Porte-Ottomane. L’empereur de Russie se porta garant de l’intégrité du nouvel état et des privilèges qui lui étaient accordés.

N’oublions pas que Venise possédait sur la côte orientale de l’Adriatique quelques villes, Butrinto, Parga, Prevesa, Vonitza, qui furent cédées à la Porte; mais la convention du 21 mars 1800 stipulait que les chrétiens de ces pays cédés à la Porte-Ottomane au- raient tous les privilèges et toutes les immunités des principautés de Moldavie et de Valachie : maintien du culte chrétien, exemption de la justice turque, défense aux musulmans d’acquérir des propriétés dans ces villes et dans leur territoire, liberté de réparer les églises et de sonner les cloches. Ces privilèges n’ont été abolis par aucun traité; mais la porte les a violés effrontément et impunément.

En 1802, le traité d’Amiens reconnut l’existence du nouvel état, et l’Angleterre se déclara garante de la république des Sept-Iles unies, qui envoya et reçut des agens diplomatiques. George III accrédita auprès d’elle un chargé d’affaires.

En 1807, après la paix de Tilsitt, la France occupa de nouveau les Iles-Ioniennes: l’empereur Alexandre les céda à l’empereur Napoléon; mais il ne semble pas que celui-ci ait voulu les incorporer à son vaste empire, car le général César Berthier, après l’occupation des Iles-Ioniennes, ayant déclaré qu’elles étaient réunies à l’empire français, Napoléon écrivit à son frère le roi Joseph le 6 octobre 1807 : « ….. Je n’ai pas chargé le général César Berthier de déclarer que Corfou faisait partie de l’empire, et puisque je m’étais tu, il devait bien aussi se taire. Témoignez-lui mon mécontentement. Il devait déclarer que la constitution était conservée sur le pied où elle se trouve. Ordonnez-lui d’agir avec plus de circonspection et de prudence... Je ne conçois pas comment il peut proposer de rendre Parga à Ali-Pacha; il y a dans cette proposition de la folie. Ecrivez-lui fréquemment pour lui refroidir la tête. Faites-lui comprendre qu’il ne sait pas, que personne ne sait ce qu’il fera demain, et qu’ainsi il doit constamment se maintenir dans un grand système de prudence envers tout le monde. Le général César Berthier a eu très grand tort d’arborer le drapeau français[1]. »

Je ne veux pas dire que Napoléon, qui avait détruit sans scrupule la vieille république de Venise, aurait respecté toujours la très jeune république des Sept-Iles. Il semblait cependant vouloir en être le protecteur plutôt que le maître, et sa politique de ce côté ne s’opposait pas, en apparence du moins, à la création de petits états

  1. Correspondance politique et militaire du roi Joseph, t. IV.