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velle de M. Félicien David : le chœur du premier acte et la marche qui annonce l’entrée des princes tributaires, le chant plaintif des deux chrétiens, quelques passages du duo de la séduction entre la reine et Hélios et la strette du finale ; au second acte, un chœur que chantent les chrétiens proscrits, et le duo entre Nicanor et Lilia ; dans l’acte suivant, l’hymne à Vénus de la reine Olympia et le chœur des bacchantes; au quatrième acte, l’air de basse de Nicanor avec le chœur des démons et le grand duo entre les deux fiancés chrétiens. On peut dire que si le christianisme triomphe dans la fable grossière d’Herculanum, dans la musique de M. Félicien David c’est le principe contraire qui l’emporte. En effet, c’est par la grâce de certaines mélodies un peu vagues de contour, c’est par des chants élégiaques et d’heureuses combinaisons de voix, par une harmonie plus élégante que variée et par une douceur générale qui finit par alourdir la paupière, que se recommande la nouvelle partition de M. Félicien David ; mais l’accent de la passion virile, le style élevé et soutenu qu’il aurait fallu pour faire ressortir les contrastes de caractère et de situation qu’il y avait à traiter, surtout à la fin du troisième acte; mais le grand art des développemens dramatiques et le coloris puissant de l’instrumentation ne se trouvent pas plus dans la partition (d’Herculanum que dans les autres productions du charmant compositeur. Les réminiscences y sont même assez nombreuses, ainsi que les formules d’accompagnement renouvelées du Désert et de Christophe Colomb. J’ai même été étonné de trouver l’instrumentation de M. Félicien David aussi terne, aussi grise de ton, comme on le disait justement autour de moi, ne parvenant que rarement à saisir un dessin bien marqué qui s’impose à l’oreille et frappe l’imagination. Son orchestre murmure incessamment, bourdonne et n’exhale que des harmonies suaves dans la partie inférieure de l’échelle.

Malgré ces restrictions, que la critique est obligée de faire au nom de l’art et de la vérité, l’opéra d’Herculanum, dont le poème facile est de M. Méry, mérite l’intérêt des amatemr? et aura un certain nombre de représentations brillantes. L’exécution d’ailleurs est aussi bonne que possible : Mme Borghi-Mamo fait valoir avec talent les parties délicates du rôle d’Olympia, qu’elle chanterait bien mieux encore si elle prononçait davantage. La belle voix de Mme Gueymard fait merveille dans le personnage de Lilia, qu’elle représente avec plus d’onction que d’intelligence, tandis que M. Roger supplée, dans le rôle d’Hélios, à l’organe qui trahit ses efforts par du goût, de l’adresse et du sentiment. M. Obin avec sa magnifique voix de basse est un superbe Nicanor. Les costumes et les décors surtout sont fort beaux. Je dois une réparation à Mme Emma Livry, qui a pris de l’aplomb depuis ses débuts et qui danse à ravir pendant le divertissement du troisième acte.

Il y a une quinzaine d’années qu’un jeune homme inconnu donnait un concert dans la salle du Conservatoire pour y faire entendre, à ses frais, une composition vocale et instrumentale dont il était l’auteur : c’était M. Félicien David avec son ode-symphonie le Désert. J’assistais à cette séance et je fus témoin du succès prodigieux qu’obtint cette délicieuse rêverie musicale, qui fit la renommée du musicien. L’enthousiasme fut si grand et, disons-le, si disproportionné avec l’objet qui en était la cause, qu’on poussa l’extravagance jusqu’à comparer M. Félicien David à Mozart et à Haydn. Conseillé et exploité par d’indignes faiseurs, M. Félicien David passa