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nomme dans les écoles une pédale inférieure. L’effet en est d’abord charmant, mais il amène bien vite la monotonie. Olympia, ayant congédié son frère Nicanor et tout ce peuple de satrapes, de princes et de rois tributaires dont elle était entourée, essaie de séduire le cœur et l’imagination d’Hélios, le jeune chrétien, en l’invitant à boire dans une coupe que lui présente l’esclave Locusta, au visage sinistre. Allons, dit la reine :

Bois ce vin que l’amour donne,


et elle chante une mélodie agréable, dont Mme Borghi-Mamo fait ressortir toute la morbidesse. Le mot extase surtout est relevé par une légère modulation pleine de grâce. Hélios, après avoir bu à longs traits dans la coupe enivrante, éprouve tout à coup une sorte de délire :

Dieu ! quel monde nouveau ! quel domaine splendide !


dont le musicien a fait une sorte de récitatif flottant et mesuré du plus heureux effet. On ne saurait trop louer aussi la grâce élégiaque de ce passage que chante Hélios vers la conclusion de ce duo de séduction :

Je veux aimer toujours dans l’air que tu respires.
Déesse de la volupté.


La longue et triste déclamation du prophète Magnus, qui vient troubler la fête de la reine par des menaces tirées textuellement de l’Apocalypse, et toute la scène compliquée qui s’ensuit n’étaient pas de nature à être comprises ni bien traitées par le talent de M. Félicien David. On remarque cependant à la conclusion de ce morceau d’ensemble, qui termine le premier acte, les éclats de rire de la cour païenne opposés aux objurgations furibondes du prophète de malheur; mais ce finale conviendrait mieux à un opéra-comique ou de genre qu’à la donnée épique d’Herculanum.

Le second acte, qui transporte la scène dans un site sauvage couvert de ruines, s’ouvre par un chœur de chrétiens qui ne manque pas de caractère. Nicanor, qui survient avec une troupe de soldats, reste seul avec Lilia, dont il cherche à séduire l’innocence. Le duo pour basse et soprano qui résulte de cette situation, assez semblable à celle du troisième acte de Robert le Diable, a de bonnes parties. Mme Gueymard chante fort bien, de sa voix pure et métallique, la phrase qui se trouve sous ces paroles :

Je venais, sur ces froides pierres,


qui est heureuse et suffisamment développée. Il y a dans ce duo mal dessiné et fort décousu un passage de la plus grande beauté : c’est la réponse de Nicanor cherchant à désabuser Lilia, qui croit apercevoir dans une clarté furtive la volonté du ciel :

Tes yeux sont abusés; non, rien ne se dévoile,
Dans la nuit je ne vois qu’une pâle clarté :
C’est le douteux rayon de la première étoile
Qui pour mon regard seul éclaire ta beauté.


Si tout l’opéra était écrit de ce style pathétique et tendre comme cette phrase admirable que M. Obin chante avec un véritable sentiment, M. Féli-