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que l’administration du Théâtre-Lyrique annonça une succession de relâches pour les répétitions de la Fée Carabosse, dont la première représentation a eu lieu le 28 février. C’est un opéra féerique, mais peu comique, en trois actes, précédé d’un prologue, illustré de beaux décors, rempli de ballerines, de fantasmagories et d’ennui, le tout accompagné d’un peu de musique, fruit des veilles laborieuses de M. Victor Massé, l’auteur ingénieux de la Reine Topaze et des Noces de Jeannette. Quand j’affirme sur ma tête qu’il y a peu de musique dans la Fée Carabosse, ce n’est pas qu’il y manque une mesure, et que, depuis le prologue sans ouverture jusqu’à la fin du troisième acte, on n’y chante beaucoup de chœurs, d’airs, de nocturnes, ornés à profusion de ce point d’orgue sur la troisième note du ton qu’on entend partout, à l’Opéra, à l’Opéra-Comique, à l’église autant que dans les concerts. Qui nous délivrera, grand Dieu! de cette formule odieuse qui nous obsède depuis vingt-cinq ans ? Est-ce M. Gounod dans son Faust, ou bien Meyerbeer dans l’ouvrage qu’il prépare au théâtre de Monsigny et de Philidor? Nous leur votons d’avance d’humbles actions de grâce.

On ne discute pas des œuvres comme la Fée Carabosse, dont la fable, dépourvue d’intérêt, de gaieté et de tristesse, n’a inspiré au musicien qu’une partition froide, d’un style maniéré et sans consistance. S’il me fallait absolument dire quels sont les morceaux les plus saillans de ces trois actes, d’une mortelle longueur, je citerais les couplets de la cognée, avec la réponse du chœur, vieille donnée qui ne manque jamais son effet, une romance à deux voix, chantée par Daniel et Rosalinde, qui a de la grâce, et puis un autre nocturne. On ne peut pas s’imaginer ce qu’est Mme Ugalde dans la Fée Carabosse ! Je renonce à qualifier comme il le faudrait les extravagances vocales qu’elle se permet avec une organe usé, un style et un goût à l’avenant. L’administration a commis presque un crime en permettant cette exposition regrettable. Je demande qu’on me reconduise aux Trois Nicolas de M. Clapisson.

L’Opéra, dont on ne parle guère, et à bien juste raison, vient de faire au public le cadeau qu’il lui destine tous les ans, d’un ouvrage en quatre actes au moins et plusieurs tableaux. En effet, la première représentation d’Herculanum a eu lieu le 4 mars devant un public nombreux et impatient de connaître le mérite d’une œuvre laborieuse dont l’enfantement a été accompagné de procès et de contestations de toute nature. Si l’on pouvait raconter tout ce qui se rattache à la collaboration du scenario d’Herculanum, on écrirait une page piquante des mœurs littéraires et politiques de ce temps-ci ; mais force nous est de limiter le champ de nos investigations, et de ne dire que ce qui est avouable. L’idée première de l’opéra d’Herculanum était une vaste conception dramatico-lyrique ayant pour titre, je crois, la Fin du Monde. M. Félicien David avait porté son œuvre au Théâtre-Lyrique, où elle fut mise à l’étude et puis rejetée comme inexécutable. Accueilli par l’administration actuelle de l’Opéra, le poème dont M. Félicien David s’était inspiré a dû être largement modifié, et de remaniemens en remaniemens on en a fait le poème dramatique que nous apprécierons tout à l’heure. Mais sans être initié aux secrets de la collaboration, et sans pouvoir désigner quelles sont les transformations qui ont été imposées à l’idée première, j’ose affirmer que le cadre d’Herculanum, avec la catastrophe finale d’une pluie