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être le seul moyen de prévenir ces animosités irréfléchies et funestes qui ont trop souvent survécu autrefois aux guerres enfantées par la politique des cabinets, et dont les nations, réduites à l’état d’instrumens muets et passifs, ignoraient et les causes et la portée. Qu’a-t-on reproché, et quelquefois avec justice, aux anciens gouvernemens de la France ? Nous pouvons l’avouer, car dans ce reproche et dans les jalousies qu’il entretient encore il y a un hommage persévérant rendu à la puissance de notre pays. On a longtemps reproché à nos anciens gouvernemens de vouloir exercer sur l’Europe une prépondérance orgueilleuse et d’aspirer à la monarchie universelle. Cette jalousie serait injuste aujourd’hui, nous en sommes convaincus ; elle pourrait cependant se réveiller encore et soulever en Europe des passions nationales contre nos desseins les plus désintéressés : elle tomberait infailliblement devant la France associée par les franches démonstrations de la liberté aux mouvemens de la politique générale. Les peuples en effet ne peuvent plus avoir de nos jours ces passions de domination qui animaient autrefois les souverains absolus, et ils se savent incapables d’attenter, dans leur liberté et dans la pleine possession d’eux-mêmes, à leurs droits mutuels.

Tous les intérêts engagés dans la crise actuelle demandent donc que l’opinion soit promptement édifiée sur les résolutions que la France doit prendre par les discussions les plus complètes. Le moment est arrivé d’ailleurs où, sur la question italienne et l’alternative de paix ou de guerre qu’elle nous présente, il faut sortir de cette attente inquiète qui se repaît de bruits et de conjectures. Quoique incomplètement instruits de la nature exacte et des termes précis du litige où la France est entrée, nous en savons assez pour décider si, étant maîtresse de sa conduite, la France doit vider le différend par une pacifique transaction ou par les armes. Enfin les faits eux-mêmes en sont arrivés à un point de maturité qui va nous obliger à prendre l’un ou l’autre parti. D’un côté, la mission de lord Gowley à Vienne, qui à nos yeux représente le parti des solutions diplomatiques, est accomplie, et nous ne tarderons plus longtemps à en connaître les résultats positifs ; de l’autre, le gouvernement piémontais, qui malheureusement dans la direction où il est entré depuis deux mois représente le parti de la guerre, redouble d’impatience, et peut nous compromettre et essayer de nous entraîner par un coup de tête désespéré. Pour nous-mêmes, pour l’Italie, pour l’Europe, sachons clairement et disons fermement ce que nous avons à faire.

La mission de lord Cowley est terminée. Le diplomate anglais a dû arriver hier à Londres. Sa mission, on le sait, était confidentielle, et par conséquent, en dépit des assertions que le télégraphe et les correspondances des journaux étrangers ont multipliées pendant quinze jours, personne n’a pu connaître avant ce moment la nature des ouvertures faites par l’Angleterre à l’Autriche, et l’accueil que cette démarche conciliante a reçu à Vienne. Lord Cowley ne pouvait même point, vis-à-vis du gouvernement français, dont il est l’ami éprouvé, sortir de la réserve que ses devoirs lui imposaient ; avant d’en faire part à la France, il fallait qu’il eût rendu compte d’abord à son gouvernement des résultats de sa mission. Nous apprenons cependant par deux voies différentes que la tentative de lord Cowley a réussi. Nous sa-