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bat, sous le contrôle du public, forment une représentation véritable et puissante. Il demandait donc avec confiance à la chambre des communes non réformée ce qu’il trouvait réellement en elle, un appui éclairé autant que courageux, passionnant l’opinion pour une grande cause, mais n’essayant pas de l’assujettir, lui servant d’organe, mais ne prétendant pas la rendre insignifiante ou muette, combattant à sa tête sous le drapeau des lois du pays, et avec la ferme intention d’en maintenir intactes les garanties populaires.

Ainsi se passa le temps de ce premier et terrible conflit entre l’esprit de révolution illimitée, devenu bientôt l’esprit de conquête, et les institutions d’une monarchie représentative forte de ses libertés inviolables. Honneur soit rendu par l’histoire aux citoyens anglais membres du parlement, qui même alors tenaient surtout pour la liberté et revendiquaient sans cesse les droits individuels et publics, que la grandeur de la crise et bien des exemples étrangers pouvaient mettre en péril ! Mais, et cela se conçoit sans peine, on ne pouvait sérieusement songer dans Westminster à la réforme électorale pendant qu’on défendait l’entrée de la Tamise contre la révolte d’une partie de la flotte britannique, et qu’on voyait, dans les classes les plus pauvres, la violence brutale et le jacobinisme du pillage prêts à remplacer toute autre expression des vœux populaires. Si la main d’un politique pouvait alors toucher à la constitution du parlement, ce devait être dans un intérêt non de théorie perfectionnée, mais de solidarité plus intime entre ces grandes îles d’Europe qui forment le royaume-uni britannique. Lier plus fortement l’Irlande à son impérieuse dominatrice, jeter cent membres irlandais dans la chambre des communes de la vieille Albion, accroître proportionnellement celle des lords, c’était là ce qu’un instinct de défense et d’avenir suggérait à M. Pitt ; c’était toute la réforme parlementaire qu’il pouvait entreprendre et qu’il fit en 1800 avec autant de vigueur que d’à-propos. Rien de plus, on peut le croire, n’était à espérer de l’homme d’état qui n’était pas un législateur d’époques paisibles, mais un champion national dans la plus grande lutte des temps modernes.

Quand cette lutte reprit après la paix passagère d’Amiens, quand elle fut compliquée par les désastres et le prompt abattement des alliés de l’Angleterre, quand elle se ranima cependant, plus opiniâtre et plus vive, sans M. Pitt, mort à la peine, et qu’elle se soutint avec une impulsion croissante, même par des mains plus faibles, il fut moins que jamais question pour l’Angleterre de refaire à loisir son système électoral et de le constituer sur des bases réformées ou nouvelles. Avec lord Castlereagh et Canning unis ou divisés, sous les héritiers inférieurs d’un grand ministre, mais non sans l’autorité de son exemple et l’énergie d’un état puissant, qui se gouverne lui--