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cabinet et me demanda si je me sentais capable d’écrire des lettres en italien. — Eh ! je crois que oui, répondis-je. Ainsi je fus mis à la correspondance, et quand on découvrit que je savais écrire, je fus promu et je devins employé !… » Ferretti croyait être plus fidèle à sa dignité en ne demandant l’indépendance qu’au travail, même à un travail vulgaire. Dans un ordre différent, avec des aptitudes diverses, Ferretti, Collegno, sont des hommes d’une même trempe de caractère, et représentent cette génération libérale d’autrefois, dont la vie a été interrompue par un orage et s’est passée en grande partie dans l’émigration. Le premier devait être plus tard appelé à Rome pour seconder son frère le cardinal Ferretti, chargé du ministère par Pie IX en 1847, et c’est lui qui travaillait particulièrement à l’union douanière des états italiens. Le jour devait venir aussi où l’émigré piémontais pourrait rentrer dans son pays après vingt-cinq années d’exil.

Quand vint enfin ce jour, qui n’était après tout que la réalisation du rêve de 1821, de l’alliance entre l’idée d’indépendance nationale et l’idée constitutionnelle, M. de Collegno fut et dut être un des principaux citoyens du Piémont. Rentré à Turin en 184S, il prit place dans le sénat, qui venait d’être formé, et il reçut aussitôt le grade de lieutenant-général. Un moment il remplit une mission militaire à Milan, pendant la lutte entre les Piémontais et les Autrichiens, et peu après il figurait comme ministre de la guerre à côté de MM. Casati, Pareto, Gioia, Paleocapa, dans un cabinet qui représentait le royaume de la Haute-Italie. Il ne fut pas étonné, je pense, de la courte durée de ce cabinet, et si Charles-Albert eut un instant l’idée de le charger de la formation d’un nouveau ministère, cette idée n’eut aucune suite. Hors du pouvoir comme au pouvoir, M. de Collegno n’appartenait pas moins désormais tout entier au Piémont constitutionnel, dont il fut plus d’une fois le conseil écouté. Dans ces conditions nouvelles, il se montrait ce qu’il était réellement, un homme d’un sens droit, d’une résolution calme, d’un esprit mûri par l’expérience des choses. Il s’intéressait à tous les événemens qui se déroulaient chaque jour sous ses yeux, à ce mouvement où s’agitaient les destinées de l’Italie, et sans colère ni malveillance pour des politiques qui dépassaient la mesure de la sienne, il se contentait d’être le juge indulgent et ironique de bien des opinions vaines et futiles. Il était trop clairvoyant pour que les retours de fortune pussent le prendre à l’improviste, et il avait le cœur trop ferme pour livrer ses convictions à la merci d’une défaite. « Il espéra modérément quand la plupart espéraient trop, dit M. d’Azeglio ; et quand ceux-ci étaient prêts à désespérer de tout, il conservait dans le cœur persistante et vive l’antique foi. » Il était de ceux qui, après une espérance perdue, disent : Recommençons ! Un seul fait