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litiques signées de son nom, sa vocation véritable, c’est la critique littéraire, la critique militante. L’heure est-elle bien choisie pour y renoncer?

Ce dédain de M. Schmidt après tout, ce n’est pas un signe d’indifférence, c’est la marque d’une généreuse colère. Il y a donc partout un sentiment très vif de la crise qui tourmente la littérature allemande. Si nous nous sommes donné la tâche de rassembler ces œuvres si diverses, c’est afin de mieux mettre en relief les symptômes de malaise et de mécontentement qui se produisent de toutes parts. Isolés, ces symptômes n’ont pas assez d’importance pour frapper les esprits; réunis, ils montrent que l’Allemagne n’ignore pas son mal, et nous pouvons y voir le gage d’une guérison prochaine. Le concours théâtral de Munich, la fondation de l’école des Jeunes Germains, l’imitation des Xénies de Goethe et de Schiller, toutes ces tentatives, bonnes ou mauvaises, n’indiquent-elles pas le désir de mettre fin à une situation funeste? Parmi ces symptômes du réveil des lettres, il faut signaler surtout l’inspiration qui anime presque tous les travaux d’histoire littéraire. Tandis que les critiques s’endorment ou ne protestent que par leur silence, d’excellens esprits continuent à enseigner leur époque en lui racontant les destinées intellectuelles de l’Allemagne au XVIIIe siècle. Sans cesser d’être impartiale et désintéressée, l’histoire littéraire a pris dans ces derniers temps un caractère de prosélytisme auquel nous sommes heureux de rendre hommage. Ce n’est plus pour satisfaire une curiosité frivole, c’est pour entretenir la foi et l’ardeur des intelligences que l’on commente aujourd’hui les chefs-d’œuvre du passé. La Biographie de Goethe par M. Schaefer, la Vie de Schiller par M. Palleske, comme le Lessing de M. Stahr et le Jean de Müller de M. J. Schmidt, contiennent, sous forme détournée, bien des reproches et des admonitions. L’histoire littéraire comprend tous les services qu’elle peut rendre; placée entre l’imagination et la science, elle a un pied dans les deux camps. Elle peut les rapprocher au profit de l’un et de l’autre. Si l’Allemagne lui doit de connaître le mal dont elle souffre, elle lui devra peut-être aussi d’en guérir.

On nous demandera sans doute à quelles causes nous attribuons nous-même la situation que nous venons de décrire. Ces causes peuvent être résumées sous trois chefs : rupture entre le public sérieux et la littérature d’imagination; — dilettantisme des écrivains, facilité superficielle, habitude de travailler sans foi et sans amour; — enfin loquacité banale ou silencieux dédain de la critique. Faut-il ajouter à ces causes particulières une cause plus générale? Rejetterons-nous la faute des lettres sur l’état politique de l’Allemagne? Nous admettons difficilement de telles excuses; les peuples sont toujours responsables de la littérature qu’ils approuvent ou qu’ils