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colons qui venaient prendre possession de leurs territoires. Ce sanglant épisode a pris le nom de massacre de Wairoa, d’une rivière sur les bords de laquelle il s’est accompli, au nord de Tawaï-Pounamou.

Parmi ces indigènes, il en est heureusement un grand nombre qui, animés d’une curiosité intelligente, regardent fonctionner auprès d’eux les sociétés nouvelles, en témoignant un certain désir de s’initier à leurs procédés. Les nouveautés ne leur répugnent pas comme à tant d’autres sauvages; ils ont su se défaire de plusieurs de leurs pratiques héréditaires. M. Hursthouse affirme qu’en 1857 l’anthropophagie avait entièrement cessé parmi les Zélandais. On ne peut néanmoins se dissimuler qu’ils sont dans des conditions défavorables pour s’élever et s’instruire, à cause des habitudes exclusives, peu sympathiques aux races étrangères, qui forment un des traits distinctifs du caractère anglo-saxon. Les colons anglais leur envoient des missionnaires, ils prennent des mesures louables pour les former et leur procurer quelque bien-être, mais ils ne consentiront jamais à les admettre à un niveau d’égalité. Cependant, par plus d’un côté, avec leur intelligence, leurs goûts belliqueux, leurs croyances et leur énergie, ces hommes ont comme une lointaine ressemblance avec nos ancêtres germains. Ceux-ci ont été favorisés par les circonstances; ils se sont imposés en maîtres aux sociétés civilisées de leur temps, et pour vivre les vaincus ont dû s’appliquer à polir et à façonner leurs vainqueurs. Tel est le sort de la barbarie : quand elle envahit la civilisation, elle est conquise par elle; quand au contraire ce sont les hommes civilisés qui vont trouver les barbares, ils ne se donnent pas la peine de les élever jusqu’à eux. Ceux-ci s’éloignent et s’éteignent. Le contact des Européens et leur exemple seront-ils plus profitables aux Zélandais? Les survivans de cette race sont-ils condamnés à disparaître, ou leur sera-t-il donné d’avoir aussi leur histoire, et de prendre un jour quelque part à l’œuvre collective que nos sociétés accomplissent? C’est une de ces questions que l’esprit aime à se poser après avoir étudié les aptitudes et les usages de ces peuples lointains; mais il ne saurait la décider, la solution en appartient à l’avenir. Nous pouvons seulement prévoir qu’il leur faudra pour vivre entrer dans les voies nouvelles de la civilisation : cesser d’être sauvages ou cesser d’exister, telle est l’inflexible alternative qui s’ouvre devant eux.

Quoi qu’il en puisse advenir, soit que la Nouvelle-Zélande doive désormais sa prospérité à des étrangers ou à des indigènes, elle a définitivement pris place dans le mouvement général. Elle est née sous nos yeux, nous la voyons grandir, et déjà nous pouvons entrevoir pour elle un avenir de vigueur et de prospérité qui lui permet-