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se déployer ces qualités, assez nouvelles dans l’Océanie, est parfaitement propre à les récompenser. Par sa fertilité naturelle et l’abondance de ses cours d’eau, la Nouvelle-Zélande promet au pâturage et à l’exploitation agricole des ressources encore plus étendues que l’Australie et la Tasmanie. L’orge et le houblon y viennent facilement, et déjà elle envoie à l’Australie diverses sortes de bière. Le fin indigène, ce phormium avec lequel les Zélandais fabriquent les belles nattes qui leur servent de vêtement, peut fournir aux métiers anglais une matière première abondante et précieuse. Le sol renferme de la houille, du cuivre, des minerais de fer, que les indigènes ne savaient pas exploiter. On dit aussi qu’au pied de la chaîne, toujours couverte de neige, qui forme l’arête des deux grandes îles, il y a des gisemens aurifères. Il est certain qu’on a trouvé de l’or aux environs d’Auckland, mais en petite quantité. Dans Tawaï, non loin de l’établissement de Nelson, il y a une exploitation de quelque rapport. Que l’on découvre des mines plus productives, et d’ici à peu d’années toutes les espérances que l’Angleterre fonde sur l’acquisition de cette nouvelle colonie pourront être dépassées.

La Nouvelle-Zélande se trouve donc entraînée elle-même dans le mouvement industriel et commercial qui, grâce au génie entreprenant de l’Europe et aux moyens de rapide locomotion dont elle dispose de nos jours, gagne de proche en proche les régions les plus lointaines. D’ici à quelques années, la terre dont les ombrages ont abrité tant de boucheries humaines sera couverte de pâturages, de champs fertiles, de villes populeuses. La conquête du sol s’accomplit au profit de l’Occident industrieux; que deviendront dans ce mouvement les populations indigènes?

On estime aujourd’hui le nombre des Zélandais à soixante ou soixante-dix mille, répartis en une douzaine de tribus qui sont plus particulièrement confinées dans Eaheïno-Mauwé. Depuis soixante ans, le chiffre de cette population a diminué des deux tiers. Est-ce encore une race destinée à périr? Ici cependant les Européens ne se trouvent plus en présence de quelques misérables tribus vagabondes, ne vivant que de chasse ou de pêche, rebelles à l’agriculture, étrangères aux premiers rudimens de l’industrie : les Polynésiens zélandais sont une race autrement vivace et énergique que les Mélanésiens de l’Australie, et leur climat ne les a pas énervés comme les hommes de la même race vivant sous l’équateur. Si beaucoup d’entre eux ont été corrompus par le contact des misérables, rebut de l’Europe et de l’Amérique, qui se sont les premiers mêlés à eux, il en est d’autres qui ont conservé toute leur énergie guerrière, et qui ont tenté de s’opposer à l’invasion des blancs. C’est ainsi qu’en juin 1843, deux chefs, Rauperaha et Rangihaiata, ont exterminé les