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d’être effectuée et que nombre de publications avaient renseigné l’Angleterre au sujet de cette contrée nouvelle, on n’a pas vu s’y précipiter seulement une population de convicts libérés, de mineurs déçus, et les aventuriers des trois royaumes; la Zélande a été mieux partagée : d’honnêtes gens disposant d’un petit capital, des colons sérieux suivis de leurs femmes et de leurs enfans, quelques rejetons même de grandes familles, des officiers retraités de l’armée des Indes, sont venus tenter la fortune, qui ne peut guère, sur cette terre féconde, échapper à l’ordre et au travail. La Nouvelle-Zélande est à cette heure un pays de classe moyenne, où on ne voit ni les fortunes extravagantes que la spéculation sur les terrains a données à quelques habitans de Melbourne, ni la misère et l’abjection profondes que l’on rencontre à chaque pas dans les rues et sur les quais des villes tasmaniennes et australiennes. Le touriste est, à ce qu’il paraît, agréablement surpris lorsqu’il passe du Victoria dans la province d’Auckland, et plus encore dans celle de Wellington, de trouver, au lieu d’une fiévreuse agitation, des mœurs affables et policées, et d’apprendre que le chiffre des crimes et des délits y est deux fois moins considérable. Il y a dans ces faits un indice particulier, comme l’observe fort bien M. Hursthouse : c’est que la colonisation tend à n’être plus seulement dans la mère-patrie la ressource des misérables et des vagabonds, et qu’elle promet de devenir un moyen honorable d’augmenter les ressources et le bien-être de familles qui vivaient dans une honnête médiocrité. Les conditions pour l’acquisition du terrain sont : 10 shillings comptans par acre; on peut acquérir des lots de vingt à cent acres à crédit en payant 1 shilling par acre pendant quatre années, et le surplus la cinquième. D’ailleurs il y a place dans les six provinces pour quiconque a les mains endurcies au travail et ne craint pas la fatigue. Le taux de l’intérêt est de 10 et de 12 pour 100. Une des meilleures spéculations consiste, dit-on, à exploiter dans les villes naissantes un petit capital de 60 à 100,000 francs. D’ailleurs pas de maisons de jeu, peu de représentations scéniques; on défriche, on travaille, on vit en famille. Ce n’est qu’à des époques annuelles, par exemple pour l’anniversaire de la naissance de la reine, que sont donnés quelques bals dans les principaux centres. Il y a aussi des concerts, des lectures. Auckland possède un collège, et partout où sont agglomérées quelques centaines de personnes, on trouve des écoles, des églises, des réunions, sinon des sociétés littéraires et savantes.

C’est ainsi que la colonisation de la Nouvelle-Zélande se distingue, à côté des autres colonisations australiennes, par des tendances vers l’ordre et par un caractère sérieux, et la terre sur laquelle viennent