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elles n’ont pas droit au moko, c’est-à-dire à ces incisions profondes et compliquées qui sillonnent le visage des guerriers, attestant par leur multiplicité l’importance et la valeur militaire de chaque individu. Les Zélandais sont plus curieux, plus industrieux que ne le sont en général les sauvages. Ils savent fortifier de solides palissades les huttes quelquefois élégantes qui composent leurs pas ou villages. Leurs sculptures sur bois et sur os sont d’une extrême richesse de détails et d’un fini qui peut étonner d’autant plus qu’avant l’introduction du fer dans leurs îles, qui ne date que des relations avec les Européens, ils n’avaient pour les exécuter que des coquilles et des pierres grossièrement taillées. Ils ne répugnent pas aux voyages : plusieurs d’entre eux sont allés de leur plein gré visiter les villes anglaises de l’Australie, et ils écoutent avec une attention et une intelligence peu communes chez des sauvages les récits qu’on leur fait de l’Europe.

Tels sont les hommes au milieu desquels la civilisation anglaise, toujours débordant, est venue s’installer il y a quelques années. C’est en 1840 que la Nouvelle-Zélande, officiellement occupée, est devenue la troisième division de l’Australasie. Le pavillon britannique n’y flottait jusque-là que sur des pêcheries et des huttes de missionnaires; mais depuis longtemps le génie anglais s’était tourné vers ces rivages bien découpés, et préparés par leur situation et leur climat à une colonisation anglaise. La prise de possession de la Nouvelle-Zélande a préoccupé les esprits longtemps avant d’être effectuée, et il n’y a peut-être pas de région sur laquelle il ait été publié chez nos voisins autant d’ouvrages depuis trente ans. « Elle est prédestinée à devenir l’Angleterre des mers australes, » disait l’un. « C’est un vrai paradis ! » s’écriait en plein parlement M. Barrow Montefiore, ancien négociant de Sydney, faisant allusion au climat, aux sites pittoresques et aux avantages commerciaux de l’archipel. « Bien que la dernière acquise, elle n’est pas la moindre dans notre estime, » a écrit en tête de son livre, le dernier publié sur ce sujet, un observateur calme et précis, appartenant à cette famille de touristes anglais que quatre mille lieues n’étonnent pas lorsqu’il s’agit d’étudier une question d’intérêt national. On peut juger en effet de l’importance que l’Angleterre attache à sa récente acquisition par l’activité qu’elle y déploie. Sydney et Hobart-Town, qui sont devenues de grandes villes, surtout la première, n’avaient pas, au bout de dix-neuf années d’existence, le mouvement et la population que nous voyons aujourd’hui à la ville d’Auckland, capitale des colonies de la Nouvelle-Zélande.

Les deux grandes îles Eaheïno-Mauwé et Tawaï-Pounamou ont été seules occupées; la troisième, Stewart, qui est séparée de Tawaï