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ropéens ; pour un enfant de trois à quatorze ans, 10 liv., et 8 pour l’enfant au-dessous de trois ans. En 1854, la société d’immigration a envoyé en Écosse un agent avec 3,500 livres pour en ramener cinq mille travailleurs.

Pendant une assez longue période de temps, l’habitation des fermes ne fut pas sans danger; l’île était alors un théâtre de meurtres et de brigandages presque continuels. Avant de disparaître, les derniers indigènes, race plus forte et plus vaillante que celle de l’Australie, ont exercé sur les blancs, qui les poursuivaient comme des bêtes fauves, plus d’une sanglante représaille; il a fallu pour les réduire une guerre qui n’a pas duré moins de sept semaines en 1830. Ce fut une guerre sans merci : tout noir indistinctement était un but pour le fusil du squatter et du fermier; mais aussi quelques-uns de ces malheureux parvenaient-ils à se saisir d’un colon, ils le mettaient en pièces, et si dans la nuit ils surprenaient une ferme, les femmes, les enfans, les animaux même étaient égorgés. A la faveur du désordre résultant de cette lutte incessante, des convicts évadés, réunis en bandes peu nombreuses, menaient dans les bois une vie à demi sauvage, et portaient partout le ravage et la terreur. Noirs et blancs tombaient également sous leurs coups: poursuivis, ils avaient derrière eux de vastes espaces pour la retraite, de véritables expéditions militaires étaient souvent le seul moyen de les disperser. Enfin l’île s’est débarrassée de ce double fléau : attirés par le bruit de l’or, les bandits ont franchi le détroit, comptant trouver le long des routes par où l’on revient des placers de plus amples profits. Quant aux pauvres indigènes, presque anéantis, traqués dans leurs forêts, ils ont écouté les propositions de quelques missionnaires; les derniers survivans ont consenti à gagner Hobart-Town, d’où ils ont été transportés dans les îles Flinders, petit groupe séparé de la Tasmanie septentrionale par le détroit de Banks. C’est là que, déportés au nombre de trois cent dix, hommes, femmes et enfans, les derniers de cette race déshéritée par la nature et persécutée par les blancs se sont éteints dans la misère. La colonie a enfin conquis par ce terrible moyen une tranquillité suffisante, sinon absolue. On peut aujourd’hui juger de sa prospérité par le nombre de villages, de maisons de plaisance qui se pressent dans les environs d’Hobart-Town, sur les bords des rivières et des moindres cours d’eau affluens du Derwent.

Du côté de la terre, on arrive à la capitale par un vallon étroit, enfermé entre deux rangées de hauteurs assez peu escarpées pour être parfois en culture, et offrant les lignes les plus variées: puis on franchit sur le Derwent un pont qui n’a pas moins d’un demi-mille de long. Le spectacle, à mesure qu’on avance, devient plus magnifique : à gauche, le Mont-Direction dresse sa tête abrupte et