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plutôt séduit qu’attristé par ces tableaux grandioses. On sent que la nature sourit à travers les horizons sévères qui rappellent ses colères passées ; on oublie que demain peut-être la terre tremblera de nouveau, et fera chanceler sur leurs bases les clochers des églises et les rocs gigantesques.

Ce jour-là, le docteur était en quête de plantes ; il allait devant lui au hasard, oubliant l’heure et fuyant les routes battues. Arrivé à l’entrée d’un vallon dont le sol profond et friable était cultivé avec soin et planté d’arbres à fruits, le docteur mit pied à terre. Il attacha son cheval aux branches d’un arbre et se mit à cueillir des plantes nouvelles pour lui, qui croissaient sous les rocs, parmi les cactus. Dans sa promenade de botaniste, il parcourait toute la lisière des champs cultivés, foulant avec attention et curiosité les terrains volcaniques et pierreux que le pic et la charrue n’avaient point entamés. Tout occupé de ses plantes, le jeune docteur poursuivait ses recherches la tête baissée et se parlant à lui-même. Quand il eut fait ainsi quelques centaines de pas, il leva les yeux et aperçut, immobile devant lui, une jeune fille qui le regardait avec attention.

Señor caballero, dit la jeune fille en faisant un pas pour s’approcher de lui, sont-ce des fleurs que vous cherchez ainsi ?

— Oui, mon enfant, répliqua le docteur.

— Voyons donc !… Oh ! les vilaines petites plantes que vous arrachez là !… Qu’en voulez-vous faire ?

— C’est mon secret, dit le docteur en souriant ; vous êtes curieuse, señorita.

La jeune fille rougit un peu et cueillit sur un cactus une magnifique fleur rouge, aux reflets violets, dont les vives couleurs éblouissaient le regard ; puis elle se mit à la faire tourner machinalement entre ses doigts.

— Cette fleur est très belle, j’en conviens, dit le docteur, mais je la connais, nous l’élevons en serre dans nos pays, tandis que ces petites plantes sauvages que vous méprisez ont pour moi le charme de la nouveauté.

— Vous êtes sans doute un savant, caballero ?

— Oh ! non, répondit modestement le jeune docteur ; les savans restent dans le sanctuaire de leur cabinet ; ils sont trop grands seigneurs pour prendre la peine de courir le monde.

— Vous allez dire encore que je suis bien curieuse, reprit la jeune fille, mais je vais vous adresser une autre question : êtes-vous médecin ?

— Oui, señorita, vous l’avez dit, je suis médecin, et j’étudie la botanique.

— Je m’en doutais bien, dit la jeune fille, et voilà pourquoi j’ai