les autres, s’accusant tous de trahison, finissant par se battre entre eux, et même beaux-frères contre beaux-frères. Aussi à quoi avait abouti une entreprise ainsi conduite? On avait commencé par dire bien haut, on avait répandu dans cent pamphlets, on avait écrit dans tous les arrêts du parlement qu’il était honteux de se laisser gouverner par un étranger, à moitié Italien, à moitié Espagnol, comme si Mazarin n’avait pas été depuis plus de douze ans naturalisé Français pour services rendus à la France, selon toutes les formes accoutumées, et par des lettres royales dûment enregistrées[1] ! Et contre ce prétendu étranger, quel secours avaient invoqué ces grands patriotes? Le secours de l’étranger. L’aristocratie s’était adressée à un duc de Lorraine, aventurier sans foi, se battant pour quiconque le payait, et traînant avec lui dans nos campagnes désolées le brigandage et la débauche. Elle avait introduit dans le cœur de notre pays une armée espagnole pour faire tête à l’armée du roi. Des régimens espagnols s’étaient avancés à travers la Picardie et la Champagne jusqu’auprès des bords de la Loire, que depuis Charles VII l’œil de l’étranger n’avait pas vus. La fronde avait perdu toutes les conquêtes de Richelieu et de Mazarin. En Flandre, Gravelines, faute d’être secourue, avait été forcée de se rendre le 18 mai 1652, et quelques mois après, le 6 septembre, Dunkerque avait fait de même malgré la belle défense du comte d’Estrades. Le 13 octobre, Barcelone nous était enlevée, la Catalogne nous échappait, le Roussillon était menacé; encore une année, et le drapeau de l’Espagne allait flotter sur les murs de Rocroy[2] ! Un tel spectacle n’avait rien qui étonnât et affligeât les princes et les grands, ils y étaient accoutumés, ils y fondaient leurs espérances. Il n’en était pas ainsi de la bourgeoisie; elle en était profondément humiliée, et sa fierté naissante en rougissait, comme si déjà elle eût pressenti qu’un jour, après avoir pendant de longs siècles fécondé de son travail et de ses sueurs le sol de la patrie, elle le défendrait seule au prix de son sang, laisserait bien loin derrière elle tous les exploits du moyen âge, et enfanterait à son tour des héros dignes de figurer dans l’histoire à côté des plus illustres des temps passés !
La bourgeoisie parisienne invoquait depuis longtemps la présence du roi, redevenu à ses yeux le symbole vénéré de la liberté et de l’ordre. Le 21 octobre 1652, elle l’avait reçu avec des transports d’allégresse. Le 3 février 1653, elle reçut de même celui qui par son courage et sa persévérance était parvenu à lui rendre son roi, et