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tagieux de l’aristocratie, si on lui laissait le droit, qu’il s’était impunément arrogé, de se saisir lui-même des plus grandes affaires de l’état, d’intervenir dans les négociations diplomatiques, de s’ingérer même dans l’administration, et de prendre l’initiative de toute sorte de mesures financières, au lieu d’attendre que le gouvernement soumît à son enregistrement et à ses délibérations des édits de ce genre. On fit donc justice de ce prétendu droit, et on renferma le plus qu’on put le parlement dans ses attributions judiciaires. « Considérant, dit le roi dans la déclaration précitée, que tous ceux qui ont voulu commencer la guerre civile ou exciter quelque révolte dans notre état ont ordinairement essayé de surprendre la religion de notre parlement, en gagnant ou séduisant les esprits de plusieurs particuliers qu’ils ont engagés dans leur parti, auxquels ils ont fait employer l’autorité que nous leur avons donnée, par les charges qu’ils exercent dans la compagnie, pour décrier nos affaires, dont leur profession leur avoit donné peu de connoissance, et que, pour faire réussir leurs desseins, ils ont artificieusement suscité des assemblées générales de toutes les chambres, pour y faire délibérer indifféremment sur toutes les propositions que les moindres particuliers ont voulu faire; et voulant éviter que les maux que notre royaume en a soufferts n’arrivent plus à l’avenir, nous avons fait et faisons très expresses inhibitions et défenses aux gens tenant notredite cour de parlement de Paris de prendre encore connoissance des affaires générales de notre état et de la direction de nos finances, ni de rien ordonner ou entreprendre pour raison de ce contre ceux à qui nous en avons confié l’administration, à peine de désobéissance, déclarant dès à présent nul et de nul effet tout ce qui a été ci-devant ou pourroit être résolu et arrêté sur ce sujet dans ladite compagnie, au préjudice de ces présentes, et voulons qu’en ce cas nos sujets n’y aient aucun égard. »

On reconnaît ici le bon sens courageux de Matthieu Molé; mais s’il eût été aussi grand homme d’état qu’il était grand magistrat, il eût proposé au roi et à Mazarin une nouvelle déclaration qui eût dignement couronné toutes les autres : le roi, après avoir ôté à un corps essentiellement judiciaire les attributions politiques qui ne lui appartenaient point, les eût remises à qui elles appartenaient légitimement, et rétabli les états-généraux du royaume, en les rendant périodiques et obligatoires dans certaines circonstances, selon la tradition française, toute vivante encore, un grand nombre des amis et des contemporains de Molé ayant assisté aux états-généraux de 1614 et à la grande assemblée des notables de 1626. Mais la fronde n’était pas digne de l’immortel honneur d’avoir amené la liberté véritable, et les criminelles révoltes d’une aristocratie égoïste