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la reine, et se mit à ses ordres. Pendant son exil, Mazarin avait traité avec lui, par l’entremise de Fouquet et de l’abbé son frère, et à son retour à Poitiers, lorsque Châteauneuf se retira, il fit donner la place vacante à Matthieu Molé, le revêtit de la simarre, et ajouta les sceaux à la première présidence, faveur jusqu’alors sans exemple, et qui depuis ne s’est jamais renouvelée, mais qui avait pour Mazarin le double avantage de lui attacher à jamais le premier magistrat du royaume en couronnant sa juste ambition, et de donner à tous les parlemens une garantie certaine pour leurs privilèges et pour tous leurs intérêts, puisque celui qui devait représenter la couronne et le ministère auprès d’eux était précisément l’homme de France qui tenait le plus à leur dignité, et qu’ils auraient volontiers chargé de la défendre. Molé, garde des sceaux et premier président, avait successivement appelé à Pontoise tous ceux de ses collègues qui voulaient rester fidèles à la royauté, et n’avaient cédé qu’à un entraînement passager. Quand le jeune roi rentra à Paris, le 21 octobre 1652, avec une amnistie solennelle, le nom seul du ministre de la justice disait assez que l’amnistie proclamée n’était pas un piège, et qu’elle serait loyalement pratiquée.

Mais Molé n’était pas homme à confondre la loyauté avec la faiblesse. Il était trop éclairé pour ne pas comprendre qu’il fallait profiter sérieusement d’une victoire si péniblement obtenue pour prévenir le retour des calamités passées. Depuis que l’amnistie avait été promulguée le 26 août, plusieurs des membres du parlement de Paris, loin de l’accepter et d’obéir aux ordres du roi, s’étaient jetés encore plus avant dans la révolte et avaient pris part aux actes les plus coupables. Les maintenir au sein du parlement eût été y laisser subsister un foyer permanent d’opposition systématique. Ainsi que nous l’avons dit, on ne les convoqua point au lit de justice du 22 octobre, où l’amnistie devait être vérifiée, et il leur fut enjoint de sortir momentanément de Paris. En tout, ils étaient onze, tant présidons que conseillers. Les plus gravement compromis, le président Viole par exemple, suivirent le prince de Condé jusqu’au bout, et quittèrent la France; tous les autres, et parmi eux le président Broussel, se retirèrent dans leurs maisons de campagne, et n’y furent point recherchés : on se borna à surveiller leur conduite présente. On ne fit donc que ce qui était indispensable, mais on le fit.

Ce qui avait égaré le parlement était, nous l’avons vu, ce commerce assidu avec des grands seigneurs consommés dans l’art de la flatterie et de l’intrigue, qui, en caressant l’amour-propre de magistrats inexpérimentés, les entraînaient aisément dans leurs intérêts et dans leurs querelles. Il était impossible de remédier entièrement