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mesure à la Richelieu que Mazarin se permit est l’exil de Barillon, un des présidens des enquêtes, juge intègre, homme de bien, mais esprit borné, opiniâtre et violent, qui faisait vanité d’être toujours dans l’opposition, et déclamait à tout propos contre la reine et le cardinal. Ses déclamations ne s’arrêtant pas, on le relégua dans la citadelle de Pignerol, où il mourut.

Mais ce fut un tout autre et moins noble motif qui souleva le parlement contre Mazarin. On sait que dans l’origine tous les membres de la compagnie avaient acheté leurs charges de la couronne, et ils pouvaient les transmettre à leurs enfans ou les vendre à d’autres, plus ou moins cher, selon les circonstances. Moins ces charges étaient nombreuses, plus elles avaient de valeur. Le parlement vit donc de très mauvais œil que la couronne, usant de son incontestable droit, créât de nouvelles charges, et les donnât moyennant finance comme elle avait fait les premières, très souvent dans l’intérêt du service, toujours dans celui du trésor, fort embarrassé pour suffire à des dépenses impérieuses et nécessaires. Il élevait à cet égard des réclamations très peu fondées. L’administration de la justice souffrait-elle donc, parce qu’elle n’était pas resserrée dans un petit nombre de familles? Et même ce fameux droit de la paulette, contre lequel les parlemens ont tant protesté, et qu’ils ont fait abolir pendant leur triomphe éphémère, n’était-il pas l’impôt le plus naturel et le plus juste en lui-même? Mazarin ne l’avait pas créé, il en avait hérité, et c’est Henri IV qui en était l’auteur. Les membres du parlement possédaient leurs charges pendant toute leur vie; ils pouvaient même les transmettre à leurs enfans, mais seulement avec la permission du roi : le roi pouvait donc mettre à cette permission des conditions équitables. Henri IV ayant besoin d’argent, un de ses secrétaires, nommé Paulet, inventa un moyen de lui en procurer sans augmenter les impôts ordinaires : il conseilla d’exiger de tout membre d’un parlement qui voudrait transmettre sa place à un de ses enfans de payer chaque année une redevance. C’était là un impôt spécial qui n’atteignait pas le peuple et enrichissait l’état, sans faire grand tort à des familles en général opulentes. Le père du peuple approuva cet impôt, qui du nom de son inventeur fut appelé la paulette. Nous le demandons, qu’avaient ici de bien touchant les remontrances des parlemens? Toutes les mutations de propriété, toutes les ventes étaient frappées d’un droit, et les parlemens auraient voulu que la justice leur fût une propriété dont ils pussent disposer sans aucune redevance, et apparemment sans la permission du roi! Voilà pourtant le principal motif de tant de plaintes. Les parlemens criaient à la tyrannie dans l’intérêt d’un monopole; ils se disaient opprimés parce qu’on les forçait de contribuer aussi aux charges accablantes qui