Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prétentions en 1643, il les accueillit en 1652; il fit le duc de Vendôme grand-amiral, lui conféra même le titre de ministre d’état, avec entrée dans le conseil d’en haut, après s’être assuré que Vendôme, arrivé où il avait toujours voulu parvenir, le servirait aussi fermement qu’il l’avait autrefois combattu. Il avait un gage infaillible de sa fidélité. Le fils aîné du duc de Vendôme, le loyal et pieux duc de Mercœur, avait épousé une des nièces du cardinal, l’aimable et vertueuse Laure Mancini, en sorte que la maison de Vendôme était intéressée et inséparablement unie à la fortune de Mazarin. Aussi le 3 février 1653 le grand-amiral César de Vendôme était occupé à poursuivre la flotte espagnole dans la mer de Gascogne, entrait dans la Gironde, et menaçait à Bordeaux les restes de la fronde. De son côté, le duc de Mercœur, nommé gouverneur de Provence, gardait au roi et à Mazarin cette importante province, tandis que le duc de Beaufort, qui autrefois avait voulu porter la main sur le cardinal, et qui, tout récemment encore, s’était montré son implacable ennemi, couvert et protégé par les services de son père et de son frère, se retirait à Anet, sans y être le moins du monde inquiété, content de voir Mme de Montbazon contente parce qu’on lui avait donné beaucoup d’argent, et attendait tranquillement le moment où il succéderait à son père dans le commandement de la flotte, et donnerait son sang pour le service du roi.

Les Bouillon n’étaient guère moins considérables que les Vendôme. Le duc de Bouillon était un politique et un homme de guerre du premier ordre, capable de conduire un gouvernement ou une armée, et qui n’avait qu’un sentiment et une pensée dans la tête et dans le cœur, l’agrandissement de sa maison. Déjà prince souverain de Sedan, poussé par sa femme, encore plus ambitieuse que lui, il avait en 1641, dans l’espérance d’accroissemens nouveaux, traité avec l’Espagne, pris part à la révolte du comte de Soissons, et gagné contre l’armée royale la bataille de La Marfée. En 1642, il était entré dans la conspiration du duc d’Orléans et de Cinq-Mars, et arrêté, jeté dans les fers à Pierre-Encise, il n’avait sauvé sa tête de l’échafaud qu’en abandonnant sa principauté. Depuis, il n’avait cessé de remuer pour ressaisir ce qu’il avait perdu. Il avait redemandé Sedan à Mazarin enl643, et n’ayant pu obtenir de ce grand serviteur de la couronne que, pour satisfaire un intérêt particulier, la France renonçât à une de ses meilleures places fortes du côté des Pays-Bas, il s’était rangé parmi les ennemis du cardinal, et, forcé de s’enfuir d’abord, comme le duc de Vendôme, à peine rentré en France il avait embrassé avec ardeur la fronde, bien entendu sans la moindre conviction, et dans la seule espérance d’obtenir aisément d’elle ce qu’il n’avait pu arracher à la royauté. Il avait engagé avec lui dans la