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qui élève à 170 millions notre consommation annuelle[1], ne révèle guère encore qu’une consommation de luxe restreinte en grande partie dans les villes. Ce serait dans nos campagnes que le développement de la consommation du sucre aurait une haute utilité : tout le monde est d’accord sur ce point. On sait que le sucre ne s’y emploie guère que comme moyen d’édulcorer les boissons durant les maladies ; mais alors souvent il est trop tard, et tel paysan qui eut évité la maladie elle-même en disposant d’une alimentation que le sucre aurait rendue plus salubre succombe à l’influence d’une nourriture insuffisante ou malsaine. Sans doute un abaissement notable du droit, qui aujourd’hui dépasse la valeur des sucres bruts, remédierait le mieux à ce fâcheux état de choses ; mais en attendant que les besoins du trésor permettent de supporter une baisse momentanée des produits de l’impôt, une mesure administrative moins radicale apporterait le plus efficace concours aux progrès des industries indigènes et coloniales. Il suffirait de transformer les droits variables, et souvent d’une application incertaine, imposés sur les sucres en raison de la qualité en un seul droit fixe appliqué au sucre brut, quelles que fussent la nuance et la qualité, réservant le droit plus élevé pour les seuls sucres raffinés. Tous les fabricans seraient alors directement intéressés à perfectionner leurs procédés, et à livrer par exemple des sucres bruts directement consommables, qui seraient sans aucun doute bientôt entrés dans la consommation des gens de la campagne, car ils leur seraient livrés à 10 ou 15 francs pour 100 kilogrammes au-dessous du prix des beaux sucres en pain. La consommation augmenterait, et le fisc percevrait bientôt des droits plus considérables.

  1. Voici les divers élémens de cette consommation pour la France en 1857 : ¬¬¬
    Sucre colonial 84,961,781 k.
    — étranger 51,279,036
    Total 136,240,817 k.
    Sucres bruts réexportés ou raffinés 45,241,005 k. représentant 33,930,754 k. raffinés exportés avec prime.
    90,999,812 k.
    Sucre indigène 79,208,514
    Total des sucres indigènes et exotiques entrés dans la consommation 170,208,326 k.


    La France a vu encore la consommation du sucre s’accroître en 1858, et s’élever à 202,220,111 kilog. Sur cette quantité, 118,820,623 kilog. provenaient de nos sucreries indigènes, 83,399,488 kilog. de nos sucreries coloniales. Si l’on ajoute à ces quantités produites par nos usines les 72,909,629 kilog. de sucre brut étranger livrés à nos raffineries, on reconnaîtra que l’industrie saccharine en France a produit ou raffiné 275,219,740 kilog. de sucre pendant l’année 1858.