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Réunion des machines et appareils représentant une valeur de plus de 3 millions de francs ; il a pu même en importer à l’île Maurice, malgré la concurrence anglaise.

Grâce à l’intervention active du jeune ingénieur français et de plusieurs habiles régisseurs d’usines, empressés de répondre à ses vues, de grandes améliorations ont été introduites dans les exploitations de notre colonie de la Réunion. En même temps que les nouveaux appareils s’y propageaient, la production totale s’élevait rapidement, et livrait au commerce des sucres de plus belle qualité. La moyenne des productions annuelles de sucre brut à la Réunion, de 1815 à 1819, était seulement de 696,623 kilogrammes. De 1820 à 1829, elle s’est décuplée, en s’élevant à 6,901,026 kil. Pour la période suivante, comprise entre les années 1830 et 1849, on trouve une production annuelle trois fois plus grande, ou de 22,666,990 kil. C’est vers cette époque que l’on introduisait les premiers appareils et ustensiles perfectionnés. Les commandes en 1850 ne représentaient encore qu’une valeur de 43,930 fr. L’importance de ces commandes s’est chaque année agrandie, à mesure que se répandait de proche en proche l’évidence des avantages présentés par les procédés nouveaux. En 1851 et 1852, la moyenne annuelle fut de 129,250 fr. La valeur des importations de machines, appareils et ustensiles, s’est élevée, de 1853 à 1856, à 636,885 fr. Durant chacune des deux années dernières, 1857 et 1858, elle atteignit 1,205,450 fr. La fabrication du sucre durant les mêmes périodes se développait suivant une progression non moins notable. En effet, la production annuelle s’est élevée, de 1851 à 1853, à 31,647,961 kilog., et depuis cette époque elle dépasse 55 millions de kilogrammes. Elle s’est donc encore plus que doublée depuis l’année 1851[1]. En ce moment la colonie de la Réunion produit près de quatre-vingts fois plus de sucre qu’elle n’en produisait de 1815 à 1819.

La belle colonie qui développe si rapidement sa production améliore aussi le régime du travail et les procédés de culture. Depuis l’émancipation des esclaves, les propriétaires et régisseurs de la Réunion ne se sont pas seulement décidés, sous la pression d’une nécessité suprême, à chercher les moyens de suppléer à la main-d’œuvre qui leur échappait en ayant recours au travail libre des Africains, des coolies de l’Inde ou des ouvriers chinois ; ils se sont encore préoccupés d’une réforme dans les anciennes pratiques des cultures épuisantes sans engrais. Suivant en cela l’exemple des

  1. D’après le Journal du Commerce publié à la Réunion, la production du sucre atteignit 55,464,871 kilog. en 1857.