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se répand aujourd’hui dans les îles de la Réunion et de Cuba : c’est un ingénieux procédé imaginé et mis en pratique d’abord en France, dans nos sucreries indigènes, et qui consiste à produire régulièrement les cristaux de sucre directement dans la chaudière où s’effectue la concentration des sirops sous une pression affaiblie par les pompes à faire le vide. Cette disposition nouvelle permet d’évaporer à plus basse température, ce qui évite l’altération du sucre et procure des cristaux plus purs et moins colorés. L’avantage est plus marqué encore aux colonies que dans les sucreries de France, car les produits, participant de l’odeur aromatique légère de la canne à sucre, sont plus directement applicables à la consommation.

Les progrès réalisés depuis l’introduction de ces nouveaux appareils dans les sucreries coloniales ont décidé la formation de compagnies puissantes. À Cuba notamment, il s’est formé une compagnie sucrière. Dans chacune des trois fabriques de cette île, connues sous les noms de Sainte-Suzanne, Saint-Martin et Saint-Thomas, on obtenait par jour 32,000 kilos de sucre. En y joignant aujourd’hui une quatrième usine, celle de Zuluetta, la Compagnie sucrière de Cuba produira par jour l’énorme quantité de 125 ou 130,000 kilogrammes de sucre.

On a vu qu’à la Réunion les installations n’offrent pas isolément une aussi grande puissance de production qu’à Cuba ; mais il est bon d’ajouter que d’heureux efforts tendent à modifier cette situation. Un jeune ingénieur, représentant de la compagnie des constructeurs de Paris, ne s’est pas borné à diriger le montage, toujours difficile en ces contrées, des appareils nouveaux, assez compliqués, notamment de ceux dits évaporateurs à triple effet ; il a établi lui-même un atelier de construction et de réparation où toutes les pièces accessoires, où les organes de machines détériorés par quelques ruptures accidentelles peuvent être promptement reproduits ou remis en état de servir, diminuant ainsi pour les manufacturiers les inconvéniens toujours si graves des longues interruptions de travail. Cet ingénieur, qui vient de transformer complètement l’usine de Savanna[1], en y installant les nouveaux moulins à canne, a reçu de la compagnie Caïl[2], et introduit dans la seule île de la

  1. Appartenant à M. Hoarau de la Source, propriétaire aussi instruit que dévoué aux progrès des usines coloniales.
  2. Les établissemens de cette association à Paris, à Grenelle, et les usines succursales formées à Valenciennes, Denain et Bruxelles exportent dans toutes les parties du monde, des machines et appareils pour les sucreries, et livrent en outre des locomotives, locomobiles, wagons, tables à couler les glaces, machines à raboter, etc. La fabrication annuelle représente une valeur de 15 millions de francs.