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la noix de coco, de l’ananas, des oignons, des sèves de l’érable, du bouleau, des palmiers ; sucre de nature différente contenu dans le miel, le raisin, etc., — il n’en était aucun qui ne se transformât facilement par une fermentation bien connue, dite fermentation alcoolique, en alcool et en acide carbonique. Au contraire, les autres substances sucrées, minérales ou organiques, ne pouvaient subir une telle fermentation ou ne l’éprouvaient qu’à grand’peine. Suivant les données acquises à cette époque, le sucre de canne ou de betterave pouvait occuper le premier rang parmi les sucres fermentescibles, car à poids égal c’est celui qui par la fermentation spéciale produit la plus grande quantité d’alcool. Néanmoins les progrès de la science démontrèrent bientôt, grâce aux recherches expérimentales de MM. Biot, Dubrunfaut, etc., que le sucre de canne lui-même n’entrait en fermentation, sous les influences favorables ordinaires et à la température convenable (de 16 à 28 degrés), qu’après s’être changé dans ces conditions en sucre dit de raisin, et qu’en éprouvant un pareil changement, plusieurs autres sucres extraits de produits végétaux et animaux subissaient aussi la fermentation alcoolique.

Abandonnant dès lors une distinction devenue incertaine, on en vint à distinguer chaque sucre en particulier d’après ses propriétés spéciales. À ce titre, le sucre de canne (ainsi dénommé dans le vocabulaire scientifique, bien qu’il se présente identiquement le même dans les différens végétaux déjà spécifiés) offre des caractères très nets et tellement précis qu’il ne peut être confondu avec aucun autre sucre. C’est celui qui donne la saveur sucrée la plus franche, la plus intense et la plus agréable ; seul entre tous, il produit des cristaux de formes régulières, solides, blancs, diaphanes, plus ou moins volumineux, suivant que les sirops sont en masses plus ou moins grandes, et refroidies avec une vitesse plus ou moins lente et régulière. Ce sont ces cristaux que l’on connaît sous la dénomination de sucre candi. Sous le même volume, il est plus lourd que l’eau dans le rapport de 100 à 160. Il est trois fois plus soluble que le sucre tiré du raisin ou de la fécule saccharifiée par la diastase[1] ou par l’acide sulfurique. Il ne faut en effet, pour dissoudre le sucre de canne, que le tiers de son poids d’eau froide, et moins que la moitié de cette quantité d’eau à la température de l’eau bouillante ou de 100° du thermomètre centésimal.

  1. Principe naturel de saccharification qui se développe dans l’acte de la germination des graines féculentes, et peut transformer en matière sucrée deux mille fois son poids de fécule. On nomme glucose cette sorte de sucre.