souffrirait pas que l’Autriche se dessaisît de ses possessions italiennes, qu’elle regardait comme gage de ses créances ? Que l’on relise cette curieuse dépêche de M. de Schmerling dans le livre de M. Jules Bastide auquel nous faisions récemment allusion. C’est le spectacle de ces cruels malentendus qui inspirait à ce ministre de la nouvelle république des paroles affligées, mais honnêtes, qu’il sera bon de rappeler toutes les fois que l’on proposera à la France de seconder par la guerre l’émancipation des autres peuples : « C’est par notre exemple seul et sans exercer aucune contrainte que nous propagerons l’idée féconde qui anime la France. Il faut avoir le courage de le dire : à une époque, on a voulu procéder par des voies différentes. Il en est résulté un mal dont l’Europe souffre encore aujourd’hui. Nous avons fait, il y a cinquante ans, de la propagande armée, et voici ce qui est arrivé : nous avions commencé par la propagande républicaine, nous avons fini par les conquêtes impériales… Aujourd’hui nous portons la peine de cette faute, car il est dur pour nous d’être en suspicion à nos meilleurs amis. Que voyons-nous en effet ?, Vous le savez tous : il ne nous est pas possible de faire résonner la crosse d’un fusil sur le pavé d’une ville frontière sans que les gouvernemens et les peuples eux-mêmes s’imaginent ou feignent de croire que nous voulons recommencer les brillantes folies de l’empire. ».
Quant, à l’Italie, si elle a conservé assez de sang-froid pour reconnaître son véritable intérêt, pourquoi verrait-elle avec désenchantement des arrangemens qui rendraient possible et prochaine la réunion du congrès ? Nous avions, il y a quinze jours, indiqué l’esprit du mémorandum adressé par M. de Cavour, à lord Malmesbury, qui vient d’être publié et où sont énumérés les griefs de l’Italie. La conclusion de ce document est certes plus modérée que le langage qui y est parlé. Nous croyons que les principes des actes réclamés par le ministre piémontais sont contenus dans les bases préliminaires proposées par l’Angleterre. N’est-ce pas un important succès pour la cause italienne et pour son persévérant avocat que de fournir ainsi le thème principal d’une délibération imposante des grandes puissances ? Il -est impossible qu’il ne sorte point de cette délibération, si elle se poursuit et se conclut pacifiquement, des améliorations considérables dans le sort de l’Italie. Il sera mis fin certainement, sous la sanction de l’Europe, aux empiétemens accomplis par l’Autriche au-delà de ses frontières légales : l’ère des ingérences étrangères cessera ; une époque nouvelle commencera pour la péninsule, où les peuples et les gouvernemens pourront enfin régler avec indépendance leurs mutuelles relations, et où d’une transaction nécessaire devra naître un régime libéral. Les patriotes italiens auront alors à commencer devant l’Europe une difficile et intéressante expérience, et c’est au succès de cette expérience que sera attachée la délivrance ultérieure et totale de la péninsule. Certes la tâche, même renfermée dans ces limites, sera encore assez considérable pour occuper l’activité politique des esprits élevés qui se sont dévoués à la liberté italienne ; elle sera assez noble pour tenter les aspirations probes et désintéressées du vrai patriotisme. Les Italiens, soutenus, dans leurs efforts par l’autorité morale du libéralisme européen, seront mis en mesure de montrer ce qu’ils peuvent faire par eux-mêmes ; ce rôle n’est-il pas plus sûr et plus honorable que de jouer une