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rite des bonnes intentions révélées par l’article, d’imputer à une erreur d’opinion personnelle quelques idées qui nous paraissent dangereuses. Nous sommes moins étonnés par exemple des encouragemens donnés par l’article aux tendances unitaires de l’Allemagne depuis que nous avons le droit d’attribuer ces vues imprudentes à un publiciste systématique, et non au gouvernement de la France. En principe, toute politique française doit considérer comme contraires à nos intérêts les tendances unitaires de l’Allemagne. N’en déplaise à l’article du Moniteur, l’unité de l’Allemagne, la direction dans un même intérêt et dans une même politique d’un empire continental de près de soixante millions d’âmes sera en tout temps menaçante pour la France. Depuis que les questions d’équilibre général se sont posées en Europe, depuis François 1er et en passant par Henri IV, Richelieu, Mazarin, Louis XIV et Napoléon, la France a toujours lutté contre cette menace : elle a toujours appuyé en Allemagne les résistances religieuses et politiques qui s’opposaient aux efforts tentés pour constituer cette absorbante et redoutable unité. Le jour où l’on voudrait sacrifier ces traditions de la politique française à cette nuageuse chimère du principe des nationalités dont se gonflent les déclamations de notre temps, on ferait bien de brûler les glorieuses archives de notre politique étrangère depuis trois siècles. Ces encouragemens adressés aux tendances unitaires de l’Allemagne sont d’ailleurs peu habiles dans les circonstances présentes. Les états allemands qu’il importerait aujourd’hui à la France de se concilier sont les états secondaires ; ce sont ces états qui se sont le plus effrayés des menaces de guerre suscitées par la question italienne, et ce sont justement ceux qu’épouvante un mouvement unitaire qui ne pourrait s’accomplir qu’à leurs dépens : étrange façon, l’on en conviendra, de rassurer des gouvernemens effarés que de caresser l’idée dans laquelle ils voient leur plus terrible ennemi ! Alléguera-t-on que les unitaires allemands viennent de se mêler avec ardeur à l’agitation anti-française d’outre-Rhin, et qu’il serait habile de les en détacher pour faire concourir l’opinion libérale allemande à l’émancipation de l’Italie ? Nous appelons pour notre part, d’aussi bon cœur au moins que le publiciste officiel, le jour où une véritable cordialité régnera entre tous les partis libéraux des diverses contrées de l’Europe ; mais nous ne méconnaissons pas le prix auquel la France doit acheter la sincère sympathie du libéralisme européen. La France a donné en 1848 le signal des révolutions en Europe ; mais comment oublier que bientôt après elle a pris l’initiative des réactions, qui, commencées d’abord contre le désordre démagogique, ont fini par atteindre les garanties elles-mêmes de la liberté ? La France ne peut espérer de regagner la confiance des peuplés que lorsqu’elle se sera montrée résolue à rentrer dans les traditions régulières et libérales de sa révolution. Jusque-là nous croyons que toute avance faite aux unitaires allemands sera un vain calcul. Les unitaires allemands ont déjà montré en 1848 le peu de fonds qu’il y avait à faire sur leurs sympathies italiennes. Dans une dépêche du mois de septembre 1848, adressée à son représentant à Paris, le gouvernement de Francfort ne posait-il pas en principe que l’Allemagne doit conserver une forte position entre les Alpes et le Pô, et ne déclarait-il point que la confédération, en qualité de créancière de l’Autriche, ne